the deaf ear

Une heure, deux heures, peut-être même trois, la réalité c'était que tu ne savais pas vraiment à quelle heure était arrivée dans ce café. Tout ce que tu savais c'était que la fin de la journée approchait et que tu avais dû boire au moins cinq cafés pour ne pas t'endormir sur ton écran. Pourtant, habituellement ton travail te passionnait. Tu pouvais rester des journées entières à ton bureau, les yeux sur l'écran à dévorer des romans, à en comprendre le sens pour pouvoir les traduire du mieux que tu pouvais. Tu n'étais pas muette mais tu n'arrivais pas imaginer ta voix dans ta langue maternelle alors t'imaginer parler une autre langue te semblait impossible. Ce qui en soit était complètement stupide car tout ton entourage resté scotché face à ta facilité avec nos amis européens. Quoiqu'il en soit, cela faisait plusieurs heures que tu étais le nez dans un roman dont tu ne comprenais pas le sens, tu n'arrivais pas à trouver une logique dans le déroulement de l'histoire, dans la manière dont les personnages interviennent autant le dire, tu en avais marre. Et c'était peut-être pour cela qu'il était aussi simple de détourner ton attention. La terrasse du café s'était vidé petit à petit autour de toi et tu t'y retrouvais seule quand des pas avaient attirés ton attention. Une bonne excuse pour que ton cerveau déconnecte durant plusieurs minutes des lignes sur l'écran. Tu voyais un homme pas très loin, l'air concentré, il ne semblait pas avoir fait attention à toi. Tu avais vu sa démarche assurée, c'était quelqu'un d'important, tu le voyais à sa manière d'agir, de se tenir, tu avais même pensé à quelqu'un de la mairie, mais son visage t'étais inconnu. Enfin tu ne l'avais pas vu sur des affiches parce que tu mentirais en disant que tu portais une quelconque attentions à la politique. Mauvaise citoyenne, mais en même temps, tu avais pu constater avec les années que peu de programmes prenaient en compte les problèmes qui te touchaient vraiment. Tu l'observais quelques instants, il était au téléphone et il était fâché, tu le voyais sur les expressions de son visage. Tu sentais une haine profonde pour la personne à l'autre bout du fils et pourtant tu ignorais pourquoi. Si tu avais des oreilles, tu aurais su car tu devinais que l'agacement pouvait se faire entendre mais sans le son et avec une bouche peu visible, tu ne comprenais pas grand-chose à ce qui était en train de se passer autour de toi. Pourtant cela réussissait à te perturber dans ton travail déjà peu attractif.