En ce samedi matin ensoleillé, j'émergeai tout doucement de mon sommeil la couette enroulée autour de moi. Je déposai ma main du côté gauche du lit à la recherche de la main de Nino mais ne fit qu'effleurer les draps. Il devait sans doute déjà être levé. Je pris mon portable sur la table de nuit pour regarder l'heure : neuf heures et demie. Il était plus que temps que je me lève. A 11h30, je devais aller rechercher Victoria de son voyage scolaire en Ecosse. Rapidement, je pris une douche, attachai les cheveux en un chignon coiffé-décoiffé avant d'enfiler une petite robe légère. Il ne me restait plus beaucoup de temps pour profiter de ma matinée avec Nino donc je préférai faire l'impasse sur la préparation d'une heure dans la salle de bain.

Arrivée dans la cuisine, je vis qu'il était accoudé à la table de cuisine en grande conversation téléphonique. Je lui fis un rapide baiser sur la joue pour ne pas trop le déranger mais quand même lui montrer mon petit signe d'attention du matin. Je ne prêtai pas vraiment attention à son entrevue, pensant d'abord qu'il s'agissait d'un appel professionnel. Je pris quatre oranges à jus dans le frigo afin de nous confectionner deux bons verres de jus d'orange bien frais. A un moment j'entendis Nino parler italien. Cela ne lui arrivait presque plus. Même entre nous, on parlait anglais. Il devait sans doute être en ligne avec quelqu'un de sa famille. Et à en croire par la voix masculin qui émanait du téléphone, ça devait sans doute être son père.

Une fois le jus d'orange pressé, je déposai les deux verres sur la table avant de sortir les céréales, le lait, deux bols et deux cuillères. J'allai préparer mon sac pour partir afin de n'avoir qu'à l'emporter avant d'aller chercher Victoria. Une fois de retour dans la cuisine, je vis que Nino avait terminé sa conversation téléphonique. Il avait une mine contrariée et fronçais les sourcils. "Tu vas bien, mon cœur ?", lui dis-je d'une petite voix, ne voulant pas le contrarier davantage.

Bingo. C'était bien son père et à voir sa mine renfrognée, la conversation n'a pas dû être des plus agréables. Il s'excuse de s'emporter verbalement sur moi mais, à vrai dire, je n'ai même pas remarqué son ton violent. Nino, je l'ai connu comme ça et j'ai aimé aussi cette partie de sa personnalité. Car, oui, il est impulsif et peut s'énerver pour la moindre contrariété mais, généralement, c'est de courte durée et il redevient doux et attentionné dans la minute qui suit. Cela a toujours été le cas avec moi en tout cas. "Ne t'inquiètes pas, ce n'est pas grave." Je lui souris tendrement, tenant toujours les deux verres de jus dans les mains.

"Je vais bien, j'ai dormi comme un gros bébé." Mes nuits sont plus paisibles lorsque je les passe avec lui. Je ne me pose pas de question lorsque je suis dans ses bras. J'en oublie l'absence de mes parents qui me pèse bien plus que je ne veux bien me l'avouer, j'en oublie que ma fille me déteste de l'avoir entraîné avec moi jusqu'en Australie, j'en oublie même que celui qui dort si près de moi, dans mes draps, et encore le mari d'une autre à l'heure actuelle. "Bien sûr que c'est pour toi." Je lui tendais le verre de jus avant de boire une gorgée à mon propre verre et de m'asseoir sur une des chaises de la cuisine. Même après 4 ans de retrouvailles, je m'étonne encore à chaque fois que je me réveille et qu'il est la première personne que je vois. Vivre avec lui est tellement différent par rapport à ma vie avec Enzo, mon ex-mari. La première chose à laquelle je pense en me réveillant le matin, c'est à le retrouver. Chaque journée est différente, la monotonie n'est plus le moteur principal de ma vie.

"Tes parents vont bien ?" J'ai brièvement connu les parents de Nino à l'époque, des vrais italiens de pure souche, comme mon père. Je ne les ai pas recroisé depuis que l'on est à nouveau ensemble. Je ne sais pas s'ils sont au courant de notre liaison. Nino ne m'en a jamais parlé et je n'aime pas le brusquer. Je sais que s'il souhaite me parler de quelque chose, il le fera de sa propre initiative. J'ai toujours tout fait pour ne pas paraître intrusive. "Qu'est-ce que le padre Galiente a bien pu te dire pour te mettre en rogne à ce point-là ?", lui demandais-je dans un petit rire.

"Si, c'est grave, je n'ai pas à m'en prendre à toi car mon idiot de père me rend fou." Je lui souris légèrement avant de passer délicatement ma main dans son dos. Bien que mon cher et tendre avait un tempérament impulsif de base, je savais toujours comment l'apaiser, comment le calmer. Parfois, il suffisait simplement d'être présente sans dire un mot. J'avais appris à l'apprivoiser avec le temps, comme dans le livre "Le Petit Prince" d'Antoine de Saint-Exupéry. Je pensais aussi avoir réussi à l'assagir, lui, le dom juan, l'homme à femmes. En tout cas, c'est ce que j'espérais. Je n'avais jamais eu énormément confiance en moi et pourtant je faisais toujours éperdument confiance aux autres. Parfois, j'étais même un peu trop naïve.

Je lui expliquai que j'avais relativement bien dormi, lorsqu'il me lâcha, avec un petit rire : "C'est bien ce que j'ai remarqué, quand tu dors bien, tu as tendance à dormir la bouche ouverte." Je le fusillai du regard avec ma tête de bébé boudeur. Non mais ! Depuis quand on fait remarquer ce genre de chose à la femme de sa vie ? Je pris un faux air détaché. "Tu dois confondre. Moi, je suis une princesse. Je ne dors pas la bouche ouverte." Je ris légèrement alors qu'il m'expliquait s'être levé tôt et avoir été courir. J'aime énormément courir également. C'est d'ailleurs le seul sport que je pratique. J'essaye d'y aller au moins trois fois par semaine, ça fait un bon décrassage puis ça permet de rester en forme mais j'avais rarement l'occasion de profiter de ce genre de moment avec Nino. Il avait un emploi du temps particulièrement chargé et quand il était enfin disponible, c'est moi qui avait une interview. Nos moments étaient donc précieux et on préférait du coup les passer à autre chose que courir.

Il me remercia pour le jus d'orange que je venai de lui préparer avant de déposer un tendre baiser sur mes lèvres légèrement acidulées par le jus de fruits. Lorsque je lui demandai ce que son père avait bien pu dire pour le mettre en rogne, il parut confus. "On est restait vingt minutes au téléphone et je ne le sais pas. Tu le connais, pas de bonjour ni aurevoir, il devait me prendre la tête et c'est seulement ce qu'il a fait. Je lui ai envoyé un mail dans la semaine au sujet du divorce et il n'a pas changé de point de vue, alors ça me gonfle." Je soupirai. Cette histoire commençait à me gonfler également. J'avais beau être confiance concernant les sentiments de Nino, je ne pouvais m'empêcher de penser que ce divorce ne tenait qu'à lui. Lorsque j'ai divorcé, ça a été si simple. Tu signes des papiers et puis c'est fini. Pourquoi ça ne pouvait pas être aussi simple pour lui ? Pourquoi attendait-il le feu vert de son père ? Était-il toujours amoureux de sa femme ? N'étais-je qu'un simple amour d'adolescence avec lequel il avait envie de s'amuser encore un peu ? J'essayai de rester sereine mais je ne pouvais m'empêcher de me poser des milliers de questions. J'essayai de rester en dehors de son divorce au maximum et de le laisser gérer ça tout seul comme un grand mais ça me bouffait de l'intérieur.

Sortant de ma rêverie, je finis par nous servir des céréales avant de les déguster. "Ah, ça, les parents, ça peut être un véritable fardeau." Je ne voulais pas mettre mon grain de sel, je ne voulais pas m'en mêler, je ne savais pas quoi lui dire. Je voulais juste me mettre des œillères et oublier qu'il était marié. Mon mutisme repris et mon silence aussi. Je fixai mon bol de céréales avant de regarder ma montre : 10h30. Dans un heure, je devais être au lycée de Victoria pour la récupérer après son voyage en Ecosse, ça allait me faire un bien fou de revoir sa bouille. En attendant de démarrer, il me restait une demie heure avec Nino à essayer de profiter de lui plutôt que de penser à toutes les complications que notre relation implique.