Allez, on y va. Une phrase anodine qui sortait de ses lèvres, mais pourtant pas si facile à mettre en pratique. Il s’était installé en tailleur sur son canapé, avait installé l’ordinateur en face de lui sur la table basse. Il s’était même préparé un bon café bien chaud, bien que rafraichi par la bonne dose de whisky qu’il avait rajouté dedans. Il avait tout pour faire cette recherche qu’il recule à chaque fois, trouvant toujours une excuse valable pour son esprit peu courageux. Mais là, pas d’excuse bidon. C’était son jour de repos en plus. Il n’avait rien d’autre à faire, ni personne à voir. Il ne voyait sa fille que le lendemain. Ses doigts s’approchèrent enfin du clavier quand il eut avalé deux énormes gorgés de son cocktail. Il finit par ouvrir son navigateur et tapa sa recherche. « Lorenzo… Flores. » qu’il chuchotait tout en tapant. Ses céruléens regardaient l’écran avec une certaine appréhension, il ne savait pas du tout ce qu’il allait trouver et vu les milliers de résultat… Il n’était même pas sûr de trouver quoi que ce soit, et puis, qu’allait-il faire ensuite ? S’il habitait encore au Mexique, il n’aurait même pas les moyens pour payer son billet d’avion. Soupirant, il s’apprêta à fermer son écran quand il tomba sur un lien qui attira son regard. Il cliqua par curiosité. C’était un article sur les Aéroports de Melbourne et de son imminent propriétaire. Il y en avait vraiment un ici ? D’un coup, il finit sa tasse cul-sec. « Je ne vais pas y arriver… » qu’il se disait, hésitant à lire et à regarder les photos, un peu plus bas sur le site.

Mais il se pinça violemment la lèvre inférieure. Il attrapa son téléphone et appela soudainement son ex-femme, non pas pour lui parler à elle, mais surtout pour avoir sa gosse au bout du fil. Entendre sa voix lui redonnerait surement l’énergie dont il avait besoin pour parvenir à terminer cette fichue recherche. La voix hautaine de son ex-femme l’agaça, mais il persista et insista pour l’avoir au téléphone, il avait le droit. Elle finit par céder et il put ainsi entendre la voix chantante de sa fille lui donnant immédiatement le sourire. Il écouta ce qu’elle avait à lui raconter mais ils firent bien assez vite couper par Samantha, qui lui rappela qu’il la voit le lendemain. Il dût alors retourner à ce qu’il faisait initialement. Glissant sa souris vers le bas très lentement, il révélait le texte puis les photos. Puis là il vit la photo. Même si ça faisait trente ans qu’il ne l’avait pas vu, il arrivait encore à le reconnaître. C’était bien son frère. Ses yeux si bruns et sa manière de sourire l’avait marqué petit et il les revoyait dans ces photos. Il n’arrivait pas à croire que son frère était en Australie lui aussi. C’était une coïncidence vraiment grosse quand même. Il restait perplexe sur le coup mais très vite son cœur se serra.  Ils étaient si proche, mais si loin en même temps, et ça le confortait dans l’idée que son frère ne l’avait jamais cherché non plus. Lui l’avait toujours voulu, le revoir même s’il n’avait jamais eu la force avant.

Tentant de se retenir de vider une des bouteilles de vodka qu’il avait, il n’en but finalement qu’un bon quart. Il en avait besoin, son corps le réclamait, sa tête aussi. Sa tête tournait mais il s’en fichait, il prit un taxi qu’il paya avec le peu d’argent qui lui restait. Il se rendit à l’aéroport sur un énorme coup de tête. Une fois là-bas, il ne savait même pas où chercher, si ça se trouve, il n’allait pas être là, ou pire, ce n’était peut-être même pas son frère, peut être que tout ça n’était qu’une illusion qu’il se faisait. Mais il n’y avait qu’en le voyant qu’il pouvait en être sûr. Il entra dans l’aéroport et courra à l’accueil. On le regardait de travers, lui disant de passer son chemin, mais il insistait. Il demandait à votre Lorenzo. On le menaça de voir la sécurité. Il partit alors de l’accueil et interpella chaque employé qu’il croisait dans l’espoir que quelqu’un réponde. Il finit bien vite devant le responsable de la sécurité. Coincé dans son bureau avec lui, il tentait de se justifier et de lui expliquer. Un peu exaspéré, il lui dit enfin que s’il voulait le trouver, c’était au siège social qu’ils devaient aller. Le type avait surement dû prévenir. Nathanael allait surement se faire aussi jeter là-bas, mais il ne perdait pas espoir. Prenant le bus sans payer, il se fit petit au fond du véhicule et sortit à l’arrêt le plus près des dits bureaux de son frère.

Une fois là-bas, il fonça à l’accueil encore une fois, les bras croisés appuyé au comptoir, il expliquait à la dame : « S’il vous plait, j’ai besoin de voir monsieur Flores, je… je suis son frère ! Nathanael Flores. » qu’il disait, mais elle continuait de le reluquer d’une manière bizarre. « S’il vous plaît… je peux vous montrer ma carte d’identité, s’il ne peut pas me voir aujourd’hui, est ce que je peux au moins prendre rendez-vous ? Quelque chose… Ou dites lui de me contacter… ? Je vous laisse mes coordonnées ? » désespéré, il proposait tout ce qu’il lui passait par la tête. Il était déjà chanceux qu’ils ne le l’aient pas encore expulser dehors.

« Dégage. » gronda-t-il en repoussant la femme présente à ses côtés qui se montrait un petit peu trop entreprenante. Il avait actuellement d’autre chose en tête. Il venait de prendre ses messages vocaux et l’un des directeurs de l’aéroport de Melbourne l’avait contacté pour le prévenir qu’un homme le cherchait. Ce même homme se faisait passer pour son frère et cette nouvelle avait fait monter la colère en lui. Son frangin et sa mère étaient morts il y a si longtemps… Sa mère avait osé prendre la fuite comme une lâche en pensant réellement pouvoir échapper au Cartel. Elle avait attiré son enfant dans sa fuite et les deux avaient été tué froidement par leur père dès qu’il avait réussi à remettre la main dessus. Et dans toute cette histoire, Lorenzo en avait toujours voulu uniquement à sa mère. C’était elle qui avait été assez naïve pour croire qu’on la laisserait partir sans rien dire. L’idée qu’un être humain se fasse passer pour son défunt frère lui était insupportable. Il y avait d’autres façons de l’atteindre. « Dégage j’ai dit. Sors de cette chambre. » dit-il plus brusquement en attrapant la femme par les cheveux et en la poussant à l’extérieur de lit. La fille poussa un léger cri de douleur et attrapa rapidement ses vêtements afin de sortir de la chambre. Lorenzo se passa une main au visage et se décida à rappeler l’aéroport pour avoir plus de détails sur la situation. « Référez-le au siège social. Je vais y aller. » Ce n’était pas prévu aujourd’hui, mais tant pis. Il devait régler cette histoire et descendre le mec qui osait usurper l’identité de Nate.  

En un temps record, Lorenzo avait pris une douche, il avait enfilé un costard qui valait beaucoup trop cher pour ce qui s’était vraiment, il avait appelé ses deux bras droits et gardes de corps, il avait enfilé ses chaussures parfaitement cirées, il avait accroché son arme à sa ceinture et il avait quitté sa chambre d’hôtel pour se faire conduire jusqu’au siège sociale. Immédiatement, il alla dans son bureau où il se mit à faire les 100 pas. De quel manière allait-il pouvoir gérer la situation ? Directement, il pouvait lui mettre une balle dans la tête, mais ça n’allait pas répondre à ses questions. Pourquoi cette personne lui faisait ça ? Qu’est-ce qu’on attendait exactement de lui ? Son garde du corps avait prévenu la réceptionniste de ce qui allait suivre et surtout de ce qu’elle devait faire. C’est une heure plus tard qu’on pénétra dans son bureau. « Il est là. » Une vague de colère prit place dans son ventre alors qu’il tendit la main pour attraper les cartes d’identité que la jeune femme de l’accueil avait prises. De longues secondes, il observa la photo sans réellement réussir à distinguer les traits de l’homme qui affirmait être son frère. « Amène-le dans la salle 404. Sans eau, sans nourriture, sans rien. J’arrive. » L’homme hocha la tête et quitta la pièce pour rejoindre le nommé Nathanael. « Venez avec moi. Monsieur Flores va vous recevoir. » dit-il d’une voix froide. Rien de bien, bien rassurant. Sans vraiment lui donner le choix, l’homme mit une main derrière le dos de Nate et le poussa jusqu’à l’ascenseur. Un moment plus tard, Nathanael se retrouva enfermé dans la fameuse salle 404 qui avait tout d’une salle d’interrogatoire. Deux chaises, une table, une fenêtre-miroir et rien d’autre.

Deux heures et 43 minutes. C’est le temps que Lorenzo prit avant de pénétrer dans la pièce faisant claquer la porte au passage. « Qui es-tu ? » cracha-t-il dans un premier temps. Son regard n’avait pas encore croisé celui de l’homme installé sur la chaise. Le mafieux s’avança rapidement vers l’inconnu qui se trouvait dos à lui et il posa une main sur l’épaule du brun. Il enfonça légèrement les doigts dans son épaule avant de se pencher et de murmurer à son oreille. « Mon frère est mort alors tu vas me dire tout de suite qui tu es, ce que tu fais ici, ce que tu me veux et surtout où tu as trouvé ces informations ! » En terminant, il avait claqué sa main sur la table y laissant au passage les cartes d’identité. « J’y crois pas une seule seconde à ce Nathanael Flores. » À aucun moment, il l’avait regardé. Il ne pouvait pas le faire, il allait lui sauter à la gorge. Il devait essayer de garder le contrôle de ses émotions. Son ton de voix était bas et extrêmement menaçant. Il n’était pas ici pour se faire un ami.

Alors qu’il fixait encore cette pauvre secrétaire à qui il faisait perdre son temps, le doute commençait à l’envahir. Commençant dangereusement à penser qu’il aurait dû rester chez lui. Après tout, peut être qu’il faisait erreur, que tout ça n’était qu’un trop gros hasard pour être vrai. Et s’il ne l’a pas cherché, peut être qu’il y avait une raison, qu’il ne voulait pas le revoir. « Ecoutez, je suis… » qu’il s’apprêtait à dire pour se défiler, reculant d’un pas en arrière pour finalement foncé dans un agent de sécurité qui le bloquait. Pourquoi l’empêchaient-ils de passer alors qu’il allait lui-même sortir ? Et voilà qu’il lui ordonnait d’aller avec lui. Il comprit alors qu’il allait voir son frère. Ses yeux bleus fixèrent l’homme en question alors qu’il commençait à paniquer, il tenta de poser des questions mais rien n’arrivait à sortir de sa bouche à part des bredouillement indescriptibles. Il se fit très vite embarqué jusqu’à un ascenseur. Coincé dans celui-ci avec l’homme un peu trop baraqué, il commençait sérieusement à être nerveux.  En plus de ça, on lui avait pris ses affaires, il pouvait pas boire et ça… ça c’était le plus difficile pour tenir. La nervosité le gagnait alors il se mit à poser quarante questions alors que l’ascenseur finit par atteindre l’étage. L’autre ne lui répondait pas, c’était à peine s’il réagissait. Se débattant un peu alors que l’homme l’embarquait on ne sait où, il grognait et clamait qu’il pouvait marcher tout seul mais rien à faire. Il se retrouva alors enfermé dans une salle bizarre où il y avait à peine de lumière, qu’est-ce que c’était que cet endroit ? Depuis quand on a ce genre de pièce dans un siège sociale pour des aéroports ?

Assis sur sa chaise, il finit la première demi-heure à moitié couché sur la table, trop accablé par son anxiété qui le noyait d’incertitude. Pour ensuite passé à un autre état, qui le poussa à se balancer sur sa chaise en arrière tenant ainsi à l’équilibre. Mais plus les minutes tournaient plus il trouvait le temps long. Il ne comprenait absolument pas ce qui était en train de lui arriver. Pourquoi l’a-t-on enfermé là-dedans, il était pas juste censé aller voir son frère ? Et puis, même s’il avait cassé les pieds à pas mal de gens, il n’avait pas fait de crime. Il avait fini par se lever de la chaise, cherchant à occuper son esprit et oublier son envie de boire qui rongeait son esprit. Faisant le tour de la pièce, il se mit à chercher à voir à travers le miroir, sans grand effet. Ensuite, il chercha à voir à travers la caméra, ce qui était encore plus idiot, mais quand on est aussi désespéré que Nathanael, on trouve un raisonnement logique pour à peu près tout. Grognant doucement, il fit des gestes devant « m’oubliez pas, hein ? » qu’il chuchotait alors suivit d’une moue. Puis il finit par se lasser, il se rassit sur la chaise, mais il ne la trouvait pas  confortable alors il s’assit contre le mur au sol, puis à nouveau sur la chaise.

Alors qu’il pensait que ça n’arriverait plus, on finit par rentrer dans la pièce en claquant violemment la porte ce qui le fit sursauter sur sa chaise. Il voulu se retourner pour voir mais il n’eut pas le temps d’apercevoir quoi que ce soit. « Je… Je l’ai dit à la dame, je suis Nathanael Flores… » qu’il bredouillait. Il grimaçait alors que l’autre lui serrait l’épaule. Rien n’avait de sens, son regard tentait de capter le visage de l’autre personne. Sur qui il était tombé ? « Qu…quoi ? » qu’il fit presque choqué d’entendre ce qu’il lui disait. Il le pensait mort ? Le brun se mordit durement la lèvre alors qu’il avait du mal à réaliser ni comprendre la situation dans laquelle il s’était fourré. Il sursauta à nouveau, baissant la tête vers la main de l’homme qui avait sa carte d’identité. « Je…Je… » il tremblait un peu, surement trop nerveux et angoissé par la situation. Il attrapa sa carte d’identité pour la tordre entre ses doigts. « Je… Je ne mens pas. Je cherche juste mon frère… Je l’ai pas revu depuis que je suis parti du Mexique avec ma mère… J’avais sept ans… » qu’il bredouillait. « Je… Je n’ai jamais su ce que mon frère est devenu, ce… Ce n’est peut-être pas vous ?... Je… Notre mère, elle s’appelle Angela… Et notre père… Silvio.» qu’il déblatérait alors tentant d’expliquer la situation du mieux qu’il le pouvait. « Je savais pas comment chercher ni trouver… Puis je vous ai trouvé en faisant des recherches et… J’ai cru que vous étiez mon frère, mais j’ai du me tromper… Excusez-moi… » qu’il disait tentant de tourner la tête vers lui, cherchant à le voir, il voulait voir s’il s’était vraiment tromper. « Je suis désolé…» qu’il répétait, il s’en voulait, si ça se trouve, il rappelait des lourds blessures à cet homme dans sa quête stupide pour retrouver son frère qui a jamais chercher à le retrouver.

Cette situation prenait Lorenzo de court. Il n’aurait jamais pensé ça un jour… Il fallait être complètement cinglé ou suicidaire pour se faire passer pour son frère décédé et venir le voir directement. Est-ce que cette personne savait qu’elle allait finir avec une balle dans la tête ? Si Lorenzo n’était pas curieux de savoir ce qu’on lui voulait, il aurait fait tirer cet inconnu sans chercher plus loin. Cette intervention le mettait complètement hors de lui. Le mafieux n’avait jamais été réputé pour avoir des sentiments ou pour apprécier les autres, pourtant, il avait eu une certaine complicité avec Nathanael qui était tellement jeune à l’époque… Son petit frère... Frangin que Lorenzo n’avait pas réussi à protéger de cette folle furieuse qui avait causé leur décès à tous les deux. Sa mère, Lorenzo, ne l’avait jamais aimé. Son père ne lui avait pas laissé l’occasion de réellement la connaître, mais avec Nate, ça avait été différent… Assez différent pour que ça vienne le perturber aujourd’hui… Ce n’est pas dans un état d’esprit détendu que Lorenzo avait pénétré dans la salle 404 où se trouvait l’imposteur depuis près de trois heures. Ça lui avait pris trois heures avant de se risquer à rentrer dans cette salle sans avoir envie de sauter directement à la gorge de cet homme qu’il détestait déjà.

« Tu n’es pas Nathaneal Flores ! Je t’interdis de prononcer ce nom une fois de plus ! » Il avait hurlé directement en entendant l’homme bafouiller son nom. Bien vite, le mafieux ferma les yeux et soupira un bon coup afin d’essayer de se calmer. Ça commençait mal. Un rien le mettait dans tous ses états. Le sujet était plus délicat qu’il aurait pensé. Sauf que plus ça allait et plus la situation devenait étrange. L’imposteur parlait et semblait connaître des détails que peu saurait… Le Mexique, la fuite à 7 ans, le prénom des parents… Non, non… C’est quelqu’un qui lui avait raconté c’était impossible. Ses mains avaient commencé à trembler également, mais ça n’avait rien à voir avec la peur… C’était uniquement de la colère. Il avait l’impression qu’on était en train de se moquer de lui. Où se trouvait les caméras cachées ? Tout ça n’avait aucun sens. Un nouveau soupir s’échappa de ses lèvres. Surtout lorsque l’inconnu commença à s’excuser. Il détestait les êtres faibles qui s’excusaient. « Tais-toi… » murmura-t-il. Un murmure presque terrifiant, encore plus inquiétant que s’il lui avait hurlé dessus. Lentement, Lorenzo fit le tour pour se laisser tomber lourdement sur la chaise devant le brun. Il posa finalement son regard dans celui de l’imposteur et il retint sa respiration. Non, non… Ce n’était pas possible. Cette personne était en train d’essayer de le perturber. Et pourtant… Ses yeux lui parlaient… Il connaissait ce regard, il en était persuadé, mais il essayait de se convaincre du contraire. C’était sa tête qui lui jouait des tours. « Continue. Je veux tout savoir sur cette famille… » Il voulait tous les détails, il voulait se rassurer... Cet homme n’était pas Nate, il ne saurait pas donner plus de précisions que nécessaires… « Et je te conseille de ne pas oublier un seul détail. » Toujours cette même voix menaçante qui glaçait le sang. Du Lorenzo tout craché. Ça faisait longtemps qu’il ne se considérait plus comme un humain et qu’il faisait peur autour de lui. « Montre-moi ton avant-bras gauche. » Un ordre. L’imposteur pouvait lui raconter tout ce qu’il voulait, mais il ne pouvait pas avoir les mêmes marques sur le corps.

Nathanael n’avait absolument pas conscience de la situation dans laquelle il s’était fourré. Il ne savait pas que son frère était un criminel, ni même son père. Il ne savait rien. Sa mère lui avait toujours tout cacher sur leur histoire. Elle l’avait juste traîné de force jusqu’en Australie du jour au lendemain. Il n’avait même pas pu dire au revoir, à qui que ce soit.  Elle ne lui avait pas appris grand-chose sur sa famille, elle lui avait juste appris à la détester. Dur d’entendre que pour cet homme qu’il pensait pour le moment son frère ne le croit pas, que pire, le croit mort. Ca donnait une raison au fait qu’il ne l’ait pas cherché, il devait se rassurer ainsi mais son esprit préférait largement dramatiser la situation. Tremblotant sur sa chaise, il voulait simplement fuir cette situation trop stressante. En plus de ça, il avait besoin de boire. Et il n’avait plus sa fiole sur lui, il ne pouvait pas se calmer avec. Inspirant profondément, quand l’autre s’était mis à hurler, lui ordonnant de ne plus prononcer son nom, il sursauta et il ferma les yeux quelques secondes. Penses à un endroit calme, doux… qu’il se disait, comme si ça allait marcher, comme si ça allait effacé le fait qu’il est enfermé dans cette pièce sans fenêtre et qu’il était coincé avec un homme qui ne semblait pas très bienveillant.  

Lorsqu’il rouvrit les yeux, la réalité lui revint en pleine figure, tellement qu’il ne put empêcher les larmes de couler sur ses joues. Il se sentait si mal. Il s’en voulait d’être venu. « Pardon… » qu’il ne put se retenir de dire à nouveau, sentant le besoin de s’excuser, encore et encore. Il l’était vraiment, désolé. Il n’aurait jamais dû écouter ce psy, comme s’il allait le soigner, personne ne le soignerait. Son regard humide tentait d’apercevoir l’autre qui finalement, s’assis en face de lui. Il le regardait avec ses grands yeux, toujours inondés par les larmes. Son regard plongea dans le sien, c’était bien celui de son frère, mais il ne savait pas s’il devait être rassuré. Il ne connaissait pas cette partie de son frère. Ses seuls souvenirs étaient des sourires d’enfant. Reniflant, il tenta de répondre, de raconter quelque chose, mais il avait beaucoup de mal. « Maman me laissait jamais sortir, alors des fois, quand elle avait le dos tourner, tu…euh… Mon frère venait dans ma chambre et on passait par la fenêtre et il jouait avec moi, il avait un jeu avec juste une ficelle, ou fallait faire des formes en les passant dans nos doigts… Ca arrivait qu’on y joue plus d’une heure… » qu’il disait alors en jouant nerveusement avec ses doigts, calmant son crâne qui réclamait sa dose d’alcool. « Mais on se faisait souvent attraper… Papa le grondait toujours plus… » il baisse la tête quelques secondes et repose son regard sur Lorenzo alors qu’il lui demandait de lui montrer son avant-bras gauche.

Il ne comprit pas pourquoi tout de suite, se rappelant sa tâche de famille, il approcha timidement sa main vers l’homme, puis il tira sur la manche de son haut de ses mains tremblantes. Puis, nerveux au possible, il ne put que rajouter, tentant de défendre un peu sa cause. « Monsieur, je… Je ne cherche pas d’ennui, je… » il se pince la lèvre. « Je veux juste trouver mon frère… Ma mère m’a toujours empêcher de le chercher, elle n’a jamais dit pourquoi et j’ai besoin de comprendre… » qu’il disait tout en le regardant.  « S’il vous plait, croyez-moi… je n’ai pas de mauvaise intention, je suis désolé… »  

Dépassé… Lorenzo l’était complètement. Il était assis devant celui qu’il avait pris pour un inconnu, mais son regard ne mentait pas. Quelqu’un pouvait avoir pris les noms et les souvenirs de son frangin, mais on ne pouvait pas lui avoir volé ses yeux. Lui qui avait l’habitude d’avoir le contrôle de toutes les situations, il était déstabilisé. Sauf que l’homme ne voulait pas se laisser convaincre aussi facilement, dans son esprit, il y avait des détails qui ne fonctionnaient pas. Mais au fond, devait-il être surpris d’apprendre que son père lui avait menti ? Son paternel avait passé sa vie à le faire et Lorenzo avait passé sa vie à lui faire confiance. Aujourd’hui, il cherchait à venger un homme qu’il ne savait pas s’il avait réellement aimé, mais il l’avait respecté. Par respect pour son père, il devait venger son meurtre même si son paternel semblait lui avoir caché un détail très important sur son petit frère. Si le mafieux avait su, il aurait cherché son frère avant. Quoi que… Est-ce que ça aurait été une bonne idée ? L’homme devant lui semblait si frêle, si fragile. Il était loin de la vie que Lorenzo avait eue.

Lorenzo lui exigea de parler davantage de leur famille. C’était très vague comme question. Le mafieux craignait vraiment de ne pas avoir de réponse, l’autre était à deux doigts des larmes. Preuve qu’ils n’avaient pas eu la même éducation. Le plus vieux ne se souvenait pas de la dernière fois où il avait pleuré. Ça remontait à sa jeune adolescence, probablement après avoir reçu une bonne correction. « On passait la majorité de ce temps à essayer de défaire les nœuds que tu faisais quand tu ratais ton pont. » Un maigre sourire se dessina sur ses lèvres à ce souvenir. Ce n’était pas le premier qui lui serait venu en tête. Son sourire finit par disparaître lorsqu’il parla du fait que leur père grognait Lorenzo davantage que Nathanael. Négativement, il secoua la tête. Lorenzo ne se faisait pas seulement grondé. Il se faisait punir à chaque fois. Il n’avait pas le droit de jouer et pourtant, il le faisait quand même. Il appréciait vraiment son frère. C’était le seul rayon de soleil que Lorenzo avait eu dans son enfer. Au fond, c’est sûrement pour cette raison que son père lui avait menti. Pour que son fils prodige l’oublie et qu’il reste concentré sur ce qu’il devait faire.

L’avant-bras de Nathanael entre les mains, Lorenzo fixait la tâche de naissance identique à la sienne. Lentement ses doigts caressaient la peau, c’était comme s’il avait du mal à le réaliser. Tout était vrai. Les yeux, la tâche, les souvenirs… Directement, le mafieux avait voulu se voiler la face, mais les évidences étaient bien présentes. « Tais-toi… » souffla-il alors que l’homme tentait de se justifier. « Arrête de m’appeler Monsieur… » ajouta-t-il. « On ne vouvoie pas son frère. » Il planta son regard dans celui de son frangin et il relâcha son bras. « Nael… » Un simple murmure qui signifiait tellement pour lui. L’homme se releva, fit le tour de la table et attrapa Nathanael pour le forcer à se lever à son tour. Il l’observa quelques secondes avant de le prendre subitement dans ses bras. Il le serra contre lui pendant un long moment avant de s’éloigner et de le regarder à nouveau dans les yeux. « Père m’avait dit que Maman et toi étiez morts… Que vous aviez fui en pleine nuit et qu’il avait été contraint de… » Une boule se ferma dans sa gorge. C’était des grosses révélations autant pour Lorenzo que pour Nathanael. « Est-ce que Mère est toujours vivante..? » Est-ce que son père était allé jusqu’à lui mentir sur ce sujet également ? Il soupira. L’homme avait tellement de questions. « Qu’est-ce que tu fais en Australie ? Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? Tu es marié ? Des enfants ? » C’est presque naturellement que le mafieux s’était dirigé vers la porte pour l’ouvrir et qu’il avait fait signe à Nael de le suivre. Ils allaient être plus confortables dans son bureau que dans cette pseudo-salle d’interrogatoire.

Nathanael qui pensait avoir perdu espoir dans cette salle, qu’il s’était vraiment planté, s’était trompé sur toute la ligne. A force de penser négativement, on se prend vite des baffes. Mais être optimiste, il ne voulait certainement plus l’être. Il l’avait été, même surement trop à un moment de sa vie, quand il pensait être heureux, qu’il en avait même arrêté l’alcool. Mais ça n’avait définitivement pas fonctionner, il se souvient être rentré avec un bouquet le jour de la saint-valentin et son jeton pour lui faire la surprise. Il était fier de lui ce jour-là, il avait en plus de ça décroché son poste au cabinet vétérinaire. Tout ça pour la retrouver dans son lit avec un autre homme, qui n’était personne d’autre que son meilleur ami. Ce fut ensuite une descente en enfer et depuis, il n’a jamais cherché le positif, parce que rien ne l’est. Sauf là, avec son frère, il ressentait quelque chose qu’il n’avait pas ressenti depuis longtemps. Quand il commença à raconter, son visage s’illumina un peu, les larmes se calmèrent pour repartir, mais ce n’était pas vraiment de tristesse ou de peur cette fois. « Je n’étais pas très doué… » qu’il souffla, affichant un timide sourire. Il ne s’était donc pas trompé, c’était bien lui. Il ne réalisait pas encore vraiment. Il l’observa et baissa la tête quand il se rendit compte qu’il avait surement fait remonter des mauvais souvenirs à son frère bien qu’il ignorait à quel point ça l’était. Il savait que leur père était exigeant, mais il ne savait pas jusqu’où.

Puis Lorenzo confirma, ne laissant finalement plus place à aucun doute. Un petit rire nerveux s’empara de sa gorge « Pardon… » qu’il fit, comme s’il avait besoin de s’excuser de l’avoir vouvoyé… Son regard humide était plongé dans ceux de son frère. L’émotion lui fit presque oublier son manque, bien que son corps lui, ne l’a pas oublié, il tremblait toujours. Il le suivit du regard quand il se leva.  Il eut du mal à suivre quand l’autre le tira, debout sur ses jambes tremblotantes, il regardait l’homme qui était plus petit que lui, mais bien plus imposant, Nathanael n’a jamais vraiment eu un brin de charisme. Puis il le prit dans ses bras, arrachant un sourire au brun qui entoura son frère de ses bras. Il recula un peu quand il se détacha et le regarda un peu plus en détail maintenant que la peur s’était évaporée, il n’avait pas vraiment osé le détailler jusque-là. Nathanael écouta son frère, de quoi il parlait ? « Pour…pourquoi il aurait fait une chose pareille ? » qu’il demanda, presque choqué ? Pourquoi est-ce qu’il ferait ça ? Quant à sa question sur leur mère, son visage se ferma un peu, il détourna le regard. Dire qu’il aurait préféré qu’elle meurt, était un peu extrême, mais il lui en voulait toujours autant. « Jusqu’au dernière nouvelle oui. » qu’il marmonna en guise de réponse.

Pour ses autres questions, il baissa la tête, il pourrait parler de sa fille pendant des heures mais il avait toujours du mal à parler du reste. « Quand maman m’a embarqué de force, quand on est parti, on s’est installé ici… » qu’il disait dans un premier temps, regardant son frère. Il se pinça la lèvre, jouant nerveusement avec ses doigts, il aurait bien besoin de sa flasque là. « Je suis assistant… dans un cabinet vétérinaire. Ça fait longtemps que j’y travaille maintenant. » Comme si préciser qu’il y est depuis longtemps importait, pour lui, totalement. « Je… hm. Je suis divorcé et j’ai une fille, Maggie. » Il sourit tout en prononçant son nom. « Elle va avoir 7 ans cette année. »  qu’il finit de répondre.  « Et toi ? Je sais déjà que tu réussi, avec les aéroports… Mais t’as une fam… » il n’eut guère le temps de continuer alors qu’il le suivit vers la porte, le téléphone sonnant, résonnant dans cette pièce vide .  

Difficile à suivre ? Oui, Lorenzo l’était et c’était bien ce qui le rendait dangereux. Allait-il s’énerver ? Tuer ? Câliner ? Le faire partir sans rien ? Même Lorenzo n’aurait pas pu le prévoir. Il agissait par impulsion et c’est de cette manière qu’il se retrouva debout devant son frangin tremblant afin de le prendre dans ses bras. L’étreinte fut courte, mais fit du bien à Lorenzo qui avait encore du mal à réaliser que son frangin était vivant. Le pire dans toute ça, c’était sûrement que son père lui avait menti et qu’il lui mentait encore. Nathan était vivant depuis tout ce temps et au fond, Lorenzo savait que c’était mieux pour lui. Leur maman avait pris la meilleure des décisions et c’était un miracle que Nathan ait survécu. Est-ce que la maman avait eu la même chance ? « Probablement pour que je tourne la page. » Il claqua sa langue contre son palais, signe de mécontentement chez lui. Son père lui avait sûrement menti pour que Lorenzo passe à autre chose et ne s’attarde pas sur la perte de son frère et de sa mère. Et le mafieux l’avait fait. Il n’avait pas cherché plus loin, il avait cru son père et il avait oublié Nathan même s’il était la seule personne importante dans sa vie à cette époque. « Aux dernières nouvelles ? Où était-elle aux dernières nouvelles ? Pourquoi tu n’es pas avec elle ? » Contrarié ? Il l’était légèrement. Leur mère lui avait sauvé la vie, mais Nath ne devait pas le réaliser. Leur père ayant trouvé ce qu’il voulait chez Lorenzo avait laissé complètement son deuxième fils de côté. Il avait besoin d’une seule relève.

« Elle t’a probablement sauvé la vie. » murmura-t-il dans sa barbe lorsqu’il lui confia que leur mère l’avait embarqué de force. Nathan ne savait pas tout et il ne le saurait probablement jamais. Le plus était important était de savoir que sa vie avait été épargnée grâce au courage et à la folie de leur mère. Elle avait échoué avec Lorenzo, mais elle s’était reprise avec Nath’. Lorenzo ne put cacher son jugement lorsque son frère lui avoua être un « simple » secrétaire dans une clinique vétérinaire, mais il l’effaça rapidement. Il ne devait pas le juger. « Et tu t’y sens bien ? Tu arrives à bien vivre avec ce boulot ? » C’était très personnel comme question, mais Lorenzo n’était pas du genre à se priver. Maintenant qu’il l’avait retrouvé, il voulait s’assurer qu’il soit au mieux et surtout qu’il ait une bonne situation financière. Ce désir se confirma lorsqu’il lui confirma avoir une petite fille. « Félicitations pour ta princesse. » Il lui sourit. Un maigre sourire qui s’effaca rapidement lorsque le téléphone sonna venant couper Nathan dans ses questions. Lorenzo renvoya l’appel dans la salle d’à côté, mais rapidement son homme de main entra dans son bureau : « C’est Alessia. » « Je n’ai pas le temps. » « Elle dit que c’est urgent. » « Occupe-toi d’elle. Je n’ai toujours pas le temps. » cracha-t-il très froidement à son homme de main qui hocha la tête et quitta le bureau. Le mafieux poussa un profond soupir et roula doucement les yeux. « Alessia, c’est ma femme. Nous avons eu une petite fille également. Elle a 5 ans. J’ai eu une autre fille avec une autre femme il y a 21 ans. » Mais il n’arrivait pas à dire si c’était une bonne chose. Les relations étaient tendues. « Le temps va vite. » Il rit doucement avant de demander : « Divorcé, mais est-ce que tu as quelqu’un d’autre dans ta vie  ? »

Le problème quand on nous ment toute notre vie, c’est qu’on tombe de très haut une fois qu’on apprend la vérité. Mais Nathanael était encore très loin d’y être, à cette vérité.  Et sa mère avait certainement raison de l’en préserver mais ça… Nath ne pouvait pas vraiment en dire autant, parce qu’il ne lui a jamais pardonné. Il devrait certainement. Il se souvient encore qu’il avait pleuré sans jamais vraiment s’arrêté du moment où elle l’avait forcé à partir de la maison. Ses pleurs s’étaient stoppé à partir du moment où il s’est endormi d’épuisement. Et on ne lui a jamais donné d’explication et c’était ça le plus dur, ne pas savoir. Et la réponse de son frère fut difficile à avaler pour Nathanael qu’il se rendait compte d’à quel point leur famille avait été arraché de toute part. Lorenzo le pensait mort alors qu’il ne l’était pas, qui ferait croire ce genre de chose à son fils ? « Et tu as réussi à la tourner, cette page ? » qu’il demandait, il savait comment lui ça l’avait détruit, alors il voulait savoir ce qu’il en était pour son frère.  Il détourna le regard quand il lui demanda pour leur mère. Fronçant les sourcils, faisant un peu la gueule il inspira grandement. « Je ne lui adresse plus la parole. » qu’il grogna dans sa barbe, pas vraiment sûr de vouloir avouer ça à son frère qui avait l’air contrarié dans sa voix. Il n’entendit pas ce que Lorenzo murmura, il ne put que tenter de décrypter le mouvement de ses lèvres mais ce fut sans succès.  

Il était clair que Nathanael n’a pas réussi à coté de son frère, bien au contraire. Sa vie est un véritable merdier, son cv enchaîne une vingtaine de boulot qu’il n’a gardé qu’un mois, si ce n’est moins pour certain. Il n’a même pas fait d’étude en plus de ça. Un vrai loser, juste bon à se rendre ivre mort. Mais là, pour une fois, il avait de quoi être fier de lui, il avait un travail stable, enfin. C’était certainement merdique à coté de Lorenzo, mais c’était le mieux qu’il eut jusque-là. « C’est la première fois que je me fais pas virer au bout d’un mois… J’aime bien ce job et j’arrive à payer les factures pour le moment… » qu’il lui répondit en se massant la nuque.  Il le regarde et lui affiche un léger sourire à propos de sa fille. C’était son petit trésor, l’amour de sa vie qui, malheureusement risque de lui être arraché s’il continue à boire et donner toutes les raisons du monde à son ex-femme à lui retirer la garde.  Le téléphone qui avait sonné avait un peu coupé Nathanael dans  son élan mais son frère sembla ne pas vouloir répondre au téléphone. Nathanael se contenta d’observer la scène en silence alors qu’il jouait nerveusement avec ses poches qui étaient malheureusement vide, il aurait dû mettre sa flasque dans son jean…

« Félicitation pour ta petite princesse, et pour ta grande aussi, du coup. » qu’il lui fit en lui souriant. « t’es sûr que tu ne veux pas répondre, je ne veux pas gêner… » qu’il fit toujours un peu nerveux. Il va falloir du temps avant qu’il se détende complètement.

Puis vint la question qui fâche. Il se pinça les lèvres, alors qu’il cherchait à fuir de la pièce par la pensée. Complètement nerveux, il afficha un sourire qui le reflétait assez. Il se massa la nuque et sortit la blague qu’il n’aurait pas dû faire. Mais c’est Nath, parfois, il ne sait pas se taire et l’auto-dérision a toujours été un mécanisme de défense. « La vodka remplace très bien… » qu’il avait dit, abruti. Son regard joua à cache-cache pendant un bon temps maintenant qu’il avait dit sa connerie, il finit par rajouter, comme si c’était l’idée du siècle. « Dis… Est-ce que je peux récupérer ma veste ? » Veste contenant sa fameuse, chère et tendre Vodka. Il n’était pas encore prêt à demander un verre à son frère, surtout qu’il n’était que midi.  

La question de Nathanael était un couteau à double tranchant. Sauf que Lorenzo était très franc, il n’allait pas faire croire à son frangin qu’il ne l’avait jamais oublié et qu’il avait pleuré sa mort. Le mafieux avait été blessé sur le moment, mais il était rapidement passé à autre chose. Avec le père Flores, Lorenzo n’avait pas le choix. Très jeune, il avait chassé complètement la peine de ses émotions. « Oui. Je ne me suis jamais acharné sur mon sort. » Ça allait sûrement blesser son petite frère qui ne semblait pas avoir la même force de caractère que son aîné, mais peu importe. « J’aimerais avoir ses dernières informations. Je veux aller la voir. Et je voudrais que tu viennes avec moi, tu n’as pas à lui en vouloir. » Il lui faisait la morale ? Indirectement, oui. Nath’ ne savait rien, il ne comprenait pas la situation. Il n’avait aucune idée que sa mère lui avait sauvé la vie. Leur père avait vu très rapidement que Nael n’avait pas la force de caractère de Lorenzo et il se serait définitivement débarrassé de lui. Ou bien Lorenzo aurait dû le faire. C’était mieux que ça soit déroulé de cette manière.

Lorenzo regretta immédiatement son jugement envers Nath’. Après tout, il ne connaissait pas sa situation. Il n’avait pas eu un chemin tout tracé comme le mafieux. C’était un homme honnête qui gagnait sa vie comme il le pouvait. Finalement, Lorenzo avait posé des questions un petit peu plus spécifique sur le travail de son frangin et il écouta la conversation en hochant la tête de haut en bas. « Écoute.. C’est le plus important. J’espère que ça serait le bon endroit pour toi. Sinon, contacte-moi.. » Il lui sourit. Un demi-sourire, mais un sourire quand même. Nathanael restait son frère et Lorenzo allait l’aider. Il serait sûrement en mesure de lui trouver un petit poste dans l’un de ses aéroports. Bien sûr, il allait l’éloigner complètement du côté mafia.

L’appel de sa femme le dérangea. Il avait du temps à rattraper avec Nath’, il allait rappeler sa femme plus tard. Elle saurait s’en sortir sans lui l’espace de quelques heures. Sinon, ses hommes de main allaient s’en occuper. « J’en ai rien à foutre. Elle rappellera. » Oups. C’était une façon très brusque de faire comprendre à son frère qu’il ne le dérangeait pas, mais c’est ce que ça voulait dire. « Ça doit être encore un problème avec sa carte de crédit. Elle dépasse toujours sa limite. » Il grogna légèrement. Il avait fait mettre une limite sur la carte de sa conjointe, mais elle l’atteignait tout le temps. Les urgences de sa femme c’était lorsqu’elle ne pouvait pas acheter la robe qu’elle avait vu. Lorenzo savait très bien qu’elle se vengeait en dépensant son argent, mais il s’en fichait, elle était coincée avec lui.

Lorenzo pinça les lèvres ensemble à la réponse de son frère. Le Vodka remplaçait bien ? Le mafieux passa sa langue sur ses dents avant de la faire claquer sur son palais. Il posa ses deux mains sur son bureau qu’il joint ensemble avant d’avancer légèrement pour observer les traits du visage de son frère. « Ce n’est pas de la nervosité hen ? » Question rhétorique. Le brun avait vécu un sevrage, il savait exactement ce que c’était. Il avait voulu croire à de la nervosité de la part de Nath’, mais ce n’était pas ça. C’était un effet de manque. Brusquement, le mafieux se redressa et attrapa la veste de Nathanael qu’un homme de main avait posé sur l’étagère. Sans aucune gêne, il glissa ses mains dans les poches de cette dernière jusqu’à sortir une flasque. « C’est ça que tu veux n’est-ce pas ? » Son ton était beaucoup plus dur tandis que son regard s’était assombri considérablement. « Tu fais quoi de ta gamine ? Tu veux que ton ex-femme demande la garde exclusive ? » Le mafieux s’avançait sans connaître réellement ce côté de la vie de son frère. Il avait ouvert la flaque pour la sentir avant de soupirer. « Faut que tu arrêtes. » C’était difficile, c’était un gros défi, mais tout était possible.

Nathanael avait toujours plus ou moins tenter de rester à la surface, manquant à plusieurs reprise de se noyer dans ce tout qu’était la vie. Sa mère n’avait réussi qu’à lui sauver la vie physiquement, mais au fond de lui, quelque chose était mort. Et pour l’instant rien, pas même l’alcool avait réussi à réanimer la chose qui le rendrait vivant. Il n’était qu’un spectre de lui-même et ça, depuis trop longtemps. Si ça se trouve, il ne serait plus jamais ce garçon plein de vie. Lorenzo ne s’est pas acharné sur son sort, il en a bien de la chance, qu’il se disait, bien qu’en réalité, c’était assez douloureux à entendre. Mais il ne lui montrerait pas, pas vraiment, seule sa mine un peu… triste, bien qu’il l’arbore chaque jours qu’elle ne se dissocie plus vraiment de son visage.  Tant mieux pour lui, qu’il se dirait… Mais non, ça faisait mal. Il aimerait passer à autre chose, mais ce n’est pas si facile, pas pour lui en tout cas. La tête baissée, il fixait le sol. Il ne voulait pas voir sa mère. « Va la voir si tu veux, mais je ne viendrais pas. » qu’il fit, pourquoi insistait-il là-dessus ? Il ne veut pas la voir. Il lui en veut, pour beaucoup trop de chose. Il ne voulait pas lui pardonner. Nathanael pouvait comprendre que son frère veuille la voir, mais il n’a pas à le forcer lui de le faire.  

Nathanael avait trouvé ce poste via un ami, qui lui avait conseiller ça, par apport à sa façon d’être, qu’il serait surement plus à l’aise là-bas. Il n’eut pas tort. Il avait dû suivre une formation, parce qu’évidemment, il fallait apprendre certaines choses, son métier n’était pas que se tenir derrière le comptoir. Le brun est débrouillard, depuis toujours, fallait bien ça pour réussir à survivre dans sa situation. C’était pas sa mère qui allait l’aider, non, elle, elle voulait tellement le surprotéger que c’était à peine s’il a pu voir la lumière du jour avant sa majorité. C’était certainement exagéré, mais c’était devenu si oppressant qu’il en faisait des angoisses à l’idée de lui parler de quoi que ce soit. C’était surement pour ça qu’il était si faible, si fragile face à un monde bien trop dur pour lui. « Oui, en plus je m’occupe des animaux parfois, j’aime vraiment bien ! j’ai l’impression d’être utile au moins quelque part. » qu’il répondit finalement avec un léger sourire. « Mais c’est gentil de proposer… » qu’il rajouta quand même, il ne se voyait pas vraiment travailler dans un aéroport, c’est trop droit, trop stricte… Ca l’était aussi chez le vétérinaire mais c’était moins oppressant par apport à une si grosse organisation.

Nathanael se demandait comment était la femme de Lorenzo, à quoi elle pourrait ressembler. Il se disait qu’elle devait être vraiment belle. Comme son frère, c’était peut être de famille la beauté… Enfin, comme s’il pensait ça de lui… Pas vraiment. Il sursauta légèrement à sa réponse, c’était un peu radical comme réponse, mais soit… S’il le dit. « D’accord… » Il baisse légèrement la tête. Ils étaient si différents, ils ne faisaient vraiment pas parti du même monde. Il n’aurait jamais traité son ex-femme ainsi, malgré ce qu’elle ait pu faire.  

Il savait qu’il aurait dû se taire, mais il était tellement nerveux que les paroles allaient plus vite que sa pensé. Il n’était pas vraiment dans l’état pour réfléchir. Il lui fallait sa dose. Ses yeux fixaient son frère, observant sa réaction, qui était peut être pire qu’il ne le pensait. Se pinçant la lèvre, il détourna bien assez vite le regard pour fixer un point fixe à l’autre bout de la pièce, comme un enfant qui essaie d’éviter une réprimande.  Il le sent bouger et ne peut s’empêcher de voir ce qu’il fait. Il le voit attraper sa veste, puis sa flasque… Oh merde. Il se sentait vraiment mal à ce moment. Il n’aurait pas voulu qu’il apprenne ça si vite… Il se disait que son frère allait juste le jeter. Il déglutit à sa question, ses yeux ne pouvant que fixer sa flasque. Puis vint la question qu’il fallait pas poser. Ses lèvres se mirent à trembler et ses yeux s’humidifièrent à nouveau. « Que je sois sobre depuis des mois ça l’a pas arrêté… » qu’il fit en sanglotant, ravalant sa salive difficilement. Il ne voulait pas parler de ça. Il ne voulait pas se rappeler du combat constant qu’il mène depuis son divorce. « Alors à quoi bon, hein ? » qu’il fit, haussant un peu la voix à cause des émotions. « J’ai arrêté de boire et il s’est passé l’inverse de ce qui devait arriver, tu sais pas de quoi tu parles… » qu’il fit, peut être un peu plus fort qu’il ne l’aurait voulu. Mais ça lui faisait si mal qu’il ne contrôlait pas. « T’étais pas là, personne a jamais été là, alors je t’interdis de juger ! » qu’il rajoutait, c’était le manque qui parlait, qui disait ce qu’il pensait malgré lui. Il regarde son frère et puis la porte, il ne voulait plus rester ici, c’était le sujet qu’il ne fallait pas aborder… Son alcoolisme, même son psy n’est pas au courant, et pourtant, ils en sont à plus d’une séance.  

Lorenzo rit. Un rire sans émotion avant de fermer doucement les yeux et de prendre une profonde inspiration pour contrôler la colère qui menaçait de le submerger. Il pinça les lèvres avant de cracher : « Écoute Nathanaël… Frangin ou pas, je m’en fous. Quand je dis quelque chose, c’est rarement une suggestion. Donc tu vas ramener ton cul. » Il n’en avait rien à foutre des différents que son petit frère pouvait avoir avec leur mère, ils avaient des choses à se dire. Elle avait des choses à avouer à Nate et Lorenzo avait des questions à poser à leur mère. Au fond… Il ne pouvait pas s’empêcher de se demander : pourquoi pas lui ? Elle avait jugé qu’il était trop tard pour le sauver ? Elle avait préféré le laisser entre les griffes du méchant loup ? Pourquoi elle ne l’avait pas tué si elle savait quel genre de monstre il allait devenir ? Tant de questions pour lesquelles, il voulait des réponses et il allait les obtenir.  

« C’est le plus important. Il faut s’épanouir dans ce que tu fais. » Il sourit, mais ça n’avait rien de sincère. Il restait persuadé que son frère pourrait faire beaucoup mieux avec un petit peu de volonté, mais au fond, il n’avait pas eu sa chance. Lorenzo avait eu un chemin tout tracé, il lui avait seulement suffit de faire ce que son père demandait. De son côté Nate avait dû se débrouiller avec moins de moyens.  

Lorenzo n'aurait pas cru que les choses allaient de dérouler de cette manière. Il se trouvait presque naïf d'avoir cru que c'était de la nervosité. Certes, il en avait eu, mais il y avait une autre cause derrière. Le manque. Il aurait dû le voir tout de suite. Lorenzo allait mettre ça sur la faute de l’émotion. Il ne s’était pas attendu à une seule seconde de voir son frère aujourd’hui, ni demain, ni jamais… C’était déstabilisant de voir à quel point ils étaient différents aujourd’hui. Les mêmes parents, mais deux univers différents avaient suffi à créer deux opposés. À un détail près. Les dépendances. Le mafieux laissa son frangin lui déblatérer ses émotions avant de taper son bureau de sa main tout en se levant brusquement. « Je ne sais pas de quoi je parle ? C’est ce que tu crois réellement Nathanaël ? Que j’ai eu plus de chance que toi ? Que j’ai eu la vie parfaite ? » Brutalement, il ouvrit le tiroir du haut de son bureau pour y sortir une petite médaille bleu au contour argenté avec deux X gravé pour souligner ses 20 ans de sobriété. Il l’avait reçu deux ans auparavant et il l’a mis de force entre la main de son frère. « S’il y a bien quelqu’un qui ne va pas te juger, c’est moi, car je sais EXACTEMENT de quoi je parle. Ce que tu as vécu, je l’ai vécu. Je connais la rechute, je connais l’effet de manque, les heures à pleurer dans son lit en tremblant, les hallucinations. Je sais tout ça. » C’était un gros aveu pour lui, car il ne parlait jamais de cette période. Il le faisait uniquement car c’était son frangin et qu’il le voyait complètement désespéré. « Non, j’étais pas là. Mais aujourd’hui, je le suis. À aucun moment, j’vais te laisser tout seul si c’est ce qui te faut. Ne te bats pas pour toi, bats-toi pour ta fille et surtout contre ton ex-femme. Elle te l’a prise une fois, mais la justice est clémente pour ceux qui se reprennent en main. » De plus, Lorenzo avait des tonnes de contacts. Il lui suffisait de faire quelques téléphones pour son frangin obtienne la garde de sa fille. « Cette médaille, je veux que tu l’aies un jour, mais un jour à la fois. Une médaille à la fois. Bas-toi putain Naël. » Il y avait un mélange de colère et de détermination dans sa voix. Il tentait vraiment d’essayer de remotiver son frère, de lui donner lui donner la force nécessaire à vouloir tenter le premier pas. Il n’allait pas le laisser s’apitoyer sur son sort et pleurer dans son bureau.

Nathanael n’était clairement pas dans un bon état depuis ces derniers mois. Le divorce avait été très peu clément avec lui. Et même s’il est censé être terminé, il ne l’est pas vraiment. Il ne le sera surement jamais. Et il appelait à l’aide, il en avait besoin mais il ne semblait pas la trouver là où il aimerait la trouver.  Tous ceux à qui ils pensaient lui avait tourné le dos. C’était seul qu’il devait faire face à l’ouragan. Et quand on a pas la force d’y tenir, on chute. Il écoutait alors les conseils de son psychiatre mais il n’avait pas l’impression que sa vie s’était amélioré. Il l’avait écouté et le voilà face à son frère, ou plutôt un inconnu qui a fait son deuil depuis longtemps. Un inconnu qui ne le connaît pas, qui ne sait pas qu’il faut peser ses mots face à son frère qui d’un fragment d’une seconde à l’autre risque d’exploser. Nathanael était particulièrement fragile. Et rien jusque-là ne l’avait protégé des plus gros aléas de la vie. Et la réaction de son frère n’annonçait rien de bon. La façon dont il lui parlait, ça ne sonnait pas comme l’image que c’était fait le brun d’un frère. Il espérait encore une fois trop, surement. Et il n’a jamais été très ouvert à écouter les ordres, ce n’est pas spécialement un rebelle, mais il n’aime pas qu’on le force et c’était exactement la sensation que ça lui donnait.  Son regard passa de la peur à une certaine colère, il allait exploser, c’était déjà un peu le cas. « Non. » qu’il avait osé répondre, un non qu’attendait certainement pas Lorenzo, c’était un petit mot de trois lettres qui portaient beaucoup son sens.  Non, il n’irait pas la voir.

Il lui rend assez rapidement son sourire. Mais les choses allèrent bien assez vite ensuite pour que tout dégringole, la joie de retrouver son frère vira au noir. Il n’aurait pas voulu que ça se passe comme ça, de toute façon, rien ne se passait comme il l’avait imaginé. Et rien de plus dur pour le jeune homme que de vivre les désillusions. Tout simplement parce qu’il avait perdu espoir depuis longtemps, que le vide qu’il ressentait le rongeait. Ce qui résultait qu’à la moindre lueur, il s’accroche pour mieux se casser la figure.

Il tremblait comme une feuille et ce n’était pas qu’à cause du manque, il allait tout simplement exploser. Il ne voulait pas parler de ça. Quand son frère frappa sur la table, il eut un grand mouvement de sursaut, qu’il le fit reculer pour se cogner contre le mur derrière lui, regardant alors son frère alors que les larmes montaient aussi vite que ses émotions chaviraient dans son crâne. Il se sentait tout d’un coup enfermé, il ne se sentait pas bien, du tout. Il le regardait faire, sursauta encore à cause du bruit du tiroir et détourna le regard à nouveau, il ne voulait pas le regarder. Il serra la main, il tentait de se rebeller mais Lorenzo lui mit quand même la pièce dans la main. Ses doigts caressent l’objet, sentent les gravures. Il connaissait. Il n’avait pas besoin de regarder pour savoir ce que c’était. Il l’écoutait mais son esprit était trop embrumé. Il voulait fuir, il n’était pas prêt pour cette conversation. Les larmes coulaient sur ses joues et ses bras s’étaient resserré contre lui, son regard fixait le sol. Il était là sans être là. Il se sentait enfermé dans ce corps, dans cette pièce.

Lorenzo avait fini de parler, laissant un lourd silence, laissant place aux sanglots du petit frère qui n’osait pas le regarder. Il n’était pas lui. Il n’était pas si fort. Il ne savait pas la vie de Lorenzo, il ne le jugeait pas, il ne faisait qu’observer ce qu’il a devant les yeux et tout ce qu’il voit, c’est quelqu’un qui n’a rien de lui. « Je suis pas toi. Je serais jamais toi. » qu’il répondit, à travers sa voix tremblante. Levant enfin la tête, laissant ses yeux humides s’exprimer pour lui. « J’ai arrêté quand j’ai eu mon nouveau travail, j’ai arrêté parce que je voulais changer pour elle et ma fille, j’ai arrêté parce que je pensais que j’allais mieux. » qu’il disait alors, les poings serrés, on sait même pas pourquoi parce qu’il ne lèvera pas les bras sur son frère, sur personne. Il n’a jamais cogné quelqu’un de toute sa vie. La seule personne à qui il fait du mal physiquement c’est lui-même, en se noyant dans son alcool bon marché dont il ne sent même plus le gout à force d’en boire chaque jour. A croire que son foie était à toute épreuve. « Sauf que je n’allais pas mieux, que j’ai pensé chaque jour à boire à nouveau, mais je l’ai jamais fait pendant trois mois. Parce que j’avais l’impression que j’étais heureux. J’avais seulement l’impression. Parce que ma femme ne m’a jamais regardé comme au début et que j’avais beau prendre ma fille dans les bras et m’en occuper, je ne ressentais que le vide. » il marque une pause, il essayait de se calmer. Déjà il parlait, c’était beaucoup, il se contenait beaucoup là, Lorenzo ne le verrait pas parce qu’il ne le connait pas vraiment. Il ne verra surement qu’un pleurnichard, il pensera surement qu’il se plaint. Mais il ne se plaint pas, il ne fait que dire la vérité et il ne la dit pas à beaucoup de gens celle-ci. « Mais je suppose que c’est normal qu’elle finisse par aller voir ailleurs. Parce que je n’ai jamais pu la combler et que je ne pourrais jamais parce que même si je l’aimais sincèrement, il ne se passait rien. Juste le vide. » Et dur pour lui d’expliquer sa dépression, ça ne l’est jamais pour personne. Dur d’avouer que coucher avec sa femme ne lui a quasiment jamais rien fait, que de prendre sa fille dans ses bras n’était pas toujours facile pour lui et que tout ce qu’il voit dans son miroir est une coquille vide. Et pourtant, il aime sa fille, si maintenant elle est sa force et ce qu’il lui permet de rester littéralement en vie, ce ne fut pas toujours le cas. « Je n’ai plus envie de me battre, Lorenzo » qu’il finit par dire. Il savait que ça allait pas lui plaire vu le ton qu’il avait utilisé précédemment.   

Lorenzo serra ses dents ensemble très fortement au point de se faire mal à la mâchoire. À l’heure actuellement, Nathanaël ne réalisait pas de la chance qu’il avait d’être son frère, sinon… La situation aurait pu être bien pire. Le mafieux n’avait pas l’habitude qu’on contredisse ses ordres. Il était le patron ici, on l’écoutait dans la seconde et surtout sans rien dire. « Je crois que tu n’as pas bien compris. Il n’y a pas de non ou toute autre affirmation négative qui tienne. » Sa voix était beaucoup trop grave alors qu’il était en train d’essayer de garder le contrôle de ses émotions. Son regard dévia vers son tiroir dans lequel se trouvait son arme à feu, mais il n’allait quand même pas menacer son frère dès leurs retrouvailles, n’est-ce pas ? L’homme posa ses deux mains sur son bureau et il prit une profonde inspiration. « Nous en reparlerons dans un autre contexte. » finit-il par dire. Il n’avait pas envie d’être plus agressif que nécessaire. Après tout, Nath’ devait avoir ses raisons de refuser de voir leur mère. Au même titre que Lorenzo évitait soigneusement son père depuis des années.

Avoir su que les choses se passeraient de cette manière, il aurait peut-être été mieux que Lorenzo coupe court à la conversation, mais trop tard. Il s’était engagé sur un terrain glissant en découvrant la dépendance de son frangin et il était bien déterminé à l’aider. Pourquoi ? Il ne pourrait pas dire. Était-ce parce que c’était son frère ? Le seul avec qui il avait vraiment eu le temps de développer de l’affection avant qu’il ne disparaisse complètement ? Ou parce qu’il le voyait comme un être frêle et fragile à qu’il avait envie de botter vers le droit chemin ? Dans un premier temps, Nath’ affirma qu’il n’était pas lui et qu’il ne serait jamais lui. Son frère ne devait pas réaliser ce que ça impliquait d’être lui. Mise à part le sexe, il n’y avait aucun point positif. Lorenzo était méchant, il était un sadique et il était un meurtrier sans cœur. Tout ce que Nath’ n’était pas et c’était franchement mieux comme cela. Un seul Flores dans ce milieu suffisait largement. « Justement. Tu dois en profiter pour être mieux que moi. Faire mieux que moi. » cracha-t-il dans un premier temps avant de se taire pour laisser son frère à ses confidences. Adossé à son fauteuil, le mafieux l’écoutait attentivement. Il avait les sourcils légèrement froncés et les bras croisés sur son torse. Il aurait été facile de tomber dans le jugement, mais Lorenzo ne le fit pas. Il comprenait trop bien ce que Nath’ pouvait ressentir et il avait la chance de pouvoir laisser sortir ses émotions ce qu’on avait toujours refusé à l’aîné des Flores. Ce dernier s’était fait battre dès qu’il avait eu le malheur de pleurer dans sa jeunesse. Aujourd’hui, la peine ne faisait plus partie de lui. « C’est une salope, c’est tout. » Oups. C’était sorti tout seul. Lorenzo n’était pas du genre à passer par quatre chemins lorsqu’il avait quelque chose sur le cœur. Lorsqu’il avait compris que son ex-femme était la source de la rechute de son frère, la colère s’était emparé de lui. Cette pute l’avait complètement brisé. Elle méritait d’être brisé à son tour. Ce fut une promesse silencieuse que Lorenzo se fit. Même s’il ne connaissait rien de la vie de son frère et de cette femme, il voulait mettre hors-circuit la personne qui l’avait fait souffrir.

« Je comprends Nath’, mais… » L’homme s’était relevé pour s’approcher de son frère et il s’était accroupi devant lui, posant une main sur l’un de ses genoux. « Pense à ta fille. Pense uniquement à elle. Elle doit devenir la seule personne importante dans ta vie. Même si c’est difficile, tu dois oublier ce que ton ex-femme t’a fait subir. Ça veut seulement dire qu’elle ne te mérite pas. Tu t’es battu pour elle, elle ne l’a pas remarqué. Bats-toi pour quelqu’un d’autre. » Il serra légèrement ses doigts contre le genou de son frère avant de soupirer doucement. « Ce n’est pas parce que ça a échoué deux, trois, quatre, dix fois que ça ne fonctionnera jamais. Tu dois uniquement d’entourer des bonnes personnes et te battre pour la bonne personne. Il te faut un objectif précis. Un seul. » Il se releva finalement et se dirigea vers le minibar de son bureau. Ce dernier n’avait plus d’alcool depuis longtemps, Lorenzo se saisit d’une bouteille d’eau qu’il versa dans deux verres pour en tendre un à Nath’. « Tu as le droit d’être fatigué. C’est une guerre épuisante que tu mènes, mais je refuse de te laisser la perdre Naël. Dis-moi… Qu’est-ce qui te rendrait vraiment heureux ? Prends le temps d’y réfléchir. Quelle est la chose qui te comblerait de bonheur ? » Cette question pouvait paraître étrange et pourtant, elle était importante pour la suite des choses. Son frère allait devoir se raccrocher à ce désir s’il désirait avancer.