Une longue nuit de travail, bien épuisante. Charlotte était rentrée tard malgré le fait qu’elle se sentait épuisée depuis le début de la soirée, et qu’elle en connaissait exactement les raisons. Sa grossesse était un secret qu’elle gardait encore pour elle en attendant de savoir gérer la situation, et elle doit bien avouer que pour l’instant, elle ne gérait pas grand-chose, pour ne pas dire rien du tout. C’était dur tous les jours de se remettre à mentir de nouveau. Même si en soit, ce n’était pas vraiment un mensonge. Elle ne disait juste à personne ce qu’elle avait dans la tête, et elle gardait secret le fait qu’un petit être était en train de grandir en elle. Le pire était qu’elle ne savait même pas pourquoi elle ne disait rien, surtout à Dario. Souvent, elle pensait que c’était parce qu’elle avait peur, qu’il la quitte, qu’elle soit obligée de rentrer chez elle parce qu’elle n’aurait clairement pas ni l’argent ni l’énergie de s’occuper d’un enfant toute seule. Elle avait peur de tout perdre.

Elle était rentrée chez eux en essayant de faire le moins de bruit possible. Une fois la porte fermée, elle avait retiré sa veste et s’était dirigée dans la cuisine pour se préparer une infusion avant de dormir, comme elle le faisait tous les soirs. Elle était concentrée sur ce qu’elle faisait, ayant du mal à garder l’œil ouvert, et ne faisait pas forcément attention à ce qu’il se passait autour d’elle. C’est une fois l’eau mis en chauffe, et son intention de partir à la salle de bain pour se débarbouiller un peu qu’elle se rendit compte qu’elle n’était pas seule, et eu un léger sursaut. 

« Oh t’es là… Je t’ai réveillé ? »

Elle s’en voudrait, si c’était le cas. La brune détestait troubler le sommeil de quelqu’un, encore plus celui de l’homme qu’elle aimait. Et elle lui servit un petit sourire désolé, parce que même si elle l’avait réveillée, elle était contente de le voir. Il lui manquait en ce moment, et elle savait que c’était de sa faute, parce qu’elle gardait intentionnellement ses distances en attendant de trouver le courage de lui avouer qu’elle attendait son enfant.

Charlotte était épuisée, par son boulot, sa grossesse, et le stress que tout cela pouvait engendré en plus du fait qu’elle n’avait pas encore trouvé le courage de parler du bébé à son compagnon. Enfin, ce n’était qu’un embryon à ce stade, mais quand même. En sachant tout cela, ce n’était pas vraiment étonnant de la voir agir comme une machine sans conscience une fois rentrée à la maison. Et c’était littéralement ce qu’elle était en train de faire, préparant son thé avant de partir dans la salle de bain pour se débarbouiller comme un automate dans l’espoir de partir se coucher facilement, parce qu’elle avait très clairement besoin de dormir un peu. Mais elle ne pensait pas se faire interrompre par Dario, en vérité elle pensait qu’il était déjà couché, vu l’heure, et il y avait eu de quoi la surprendre.

« Je marche en dormant surtout. »

Pas la peine de lui mentir, elle était épuisée, et ça se voyait sur son visage. Elle espérait juste ne pas l’avoir réveillé en tout cas, mais visiblement, ce n’était pas le cas. Enfin pas vraiment, tout du moins. Elle n’aime pas déranger les gens, surtout dans leur sommeil. Tout comme elle n’aime pas mentir, ce qui lui fait baisser un peu les yeux face à sa remarque avant qu’elle ne reprenne la parole.

« C’est pas nécessaire, j’avais beaucoup de choses à faire aujourd’hui, c’est pour ça que je suis fatiguée. »

Elle lui sourit, avant de reprendre la direction de la cuisine pour faire infuser son thé du soir. Elle n’a qu’une hâte, c’est d’aller se glisser sous les draps, mais elle sait qu’elle en est totalement incapable tant qu’elle n’a pas bu son petit thé. Vieilles habitudes.

« Des pâtes à quoi ? »

Elle avait remarqué ces derniers temps que certaines choses qu’elle aimait manger avant lui donnaient envie de vomir. Elle savait que c’était à cause de la grossesse, tout comme elle savait qu’il y avait des choses qu’elle ne pouvait plus manger si elle comptait garder le bébé. Elle ne pensait pas que c’était aussi contraignant d’attendre un enfant avant de le vivre, et elle comprenait encore moins certaines réactions de sa mère à son égard après avoir vécu tout cela. Ou alors, ç’en était justement l’explication. Elle lui en avait fait bavé pendant sa grossesse, alors elle se vengeait.

« Longue soirée. J’ai juste envie de dormir. »

Elle souffle sur son infusion, avant d’en boire une gorgée. Il ne manquerait plus qu’elle se brûle la langue, et là elle aurait tout gagné.

Elle qui ne s’était jamais vraiment souciée de l’argent, maintenant qu’elle savait qu’elle attendait un enfant, Charlotte ne voulait pas louper un seul jur de travail pour pouvoir mettre un maximum de côté. Comme quoi, les priorités peuvent changer au cours d’une vie, et une certaine peur peut aussi s’installer dans l’esprit de quelqu’un, comme c’était le cas dans le sien. C’était pour ça qu’elle gardait le secret pour l’instant. Parce qu’elle attendait le bon moment pour l’annoncer à Dario, mais ce bon moment ne se présentait malheureusement jamais. Une grande frustration quotidienne, qui la faisait s’inquiéter un peu plus tous les jours. Elle savait que sa grossesse finirait par se voir à un moment ou à un autre, ce n’était qu’une question de temps.

« Je suis pas en sucre, ça devrait aller, ne t’inquiète pas. »

Elle ne l’avait jamais vraiment été. Quand elle était petite, elle était la première à courir partout, et à tomber un nombre incalculable de fois avant de se relever et de recommencer. Ça n’avait pas vraiment changé aujourd’hui, même si elle prenait des risques d’une tout autre façon. Si elle ne disposait pas de ce courage, ils n’en seraient pas là de toute façon aujourd’hui. Elle serait mariée à un homme qu’elle n’aimait pas, et elle l’aurait regrettée toute sa vie.

« Quoi ? Non, pas plus que d’habitude. »

Elle mentait, et ça se voyait sur son visage. Mais pour garder bonne figure, elle avait posé sa tasse de thé avant de se diriger vers le frigo pour en ouvrir la porte. Et son visage pâli immédiatement en sentant l’odeur qui s’en dégageait. Elle n’allait pas pouvoir se retenir de rendre les petits gâteaux qu’elle avait mangée dans la soirée pour se caler l’estomac. Et même si Dario venait de l’enlacer, Charlotte refera la porte du frigo avant de se dégager et de se précipiter aux toilettes sans même répondre à sa question, histoire d’éviter de lui vomir dessus.

Ces nausées qui pouvaient survenir à n’importe quel moment, et à cause de choses qu’à la base elle adorait manger mais n’en supportait même plus l’odeur maintenant étaient assez problématiques à gérer au quotidien. Surtout quand elle était encore la seule à savoir qu’elle était enceinte, comme maintenant, et qu’elle se précipitait aux toilettes parce qu’elle n’arrivait pas à se retenir de vomir. Elle détestait ça, en plus d’avoir ensuite ce goût horrible dans la bouche, et sa gorge qui lui faisait mal parce que la nourriture n’était pas censée aller dans ce sens-là. Elle s’était assise près des toilettes pour reprendre un peu son souffle, en s’essuyant la bouche avant de tirer la chasse. Et accueillant ce verre d’eau avec un grand sentiment de reconnaissance dans le regard.

« Non, c’est pas ça, je suis pas vraiment malade. »

Elle devait le lui dire, il était temps. Ça la fatiguait de garder le secret parce qu’elle avait peur, et ça lui faisait mal aussi de le voir comme ça. Elle s’était éloignée de lui, sans s’en rendre compte au début, parce qu’elle avait besoin de temps pour réfléchir. Et ce temps elle en avait eu bien assez. Elle ne pouvait pas se permettre de le perdre, ou de lui donner l’impression qu’il n’était pas à la hauteur, parce qu’il l’était. Plus qu’il ne pouvait bien le penser d’ailleurs.

« La vie dont je rêve c’est une vie avec toi. Le reste n’a pas d’importance. »

Et elle était sincère. Le luxe elle l’avait eu, bien assez pour se rendre compte qu’il n’y avait rien de sincère dans cette partie-là du monde, et elle ne voulait pas vivre une vie où elle se mentirait à elle-même en plus de mentir aux autres toute sa vie. De toute façon elle était beaucoup trop honnête pour vivre comme ça.

« Il faut que je te dise quelque chose. Je… »

Son téléphone l’interrompit alors en sonnant, et c’est en jetant un coup d’œil sur l’écran qu’elle lâcha un soupire avant de se relever.

« Merde… Faut que j’y retourne. Mais on parlera de ça quand je serais rentrée, d’accord ? »

Elle était prête à le lui dire maintenant, mais visiblement le monde avait envie de la faire patienter un peu. Seulement quelques heures. Trois tout au plus, c’était vraiment pas grand-chose.

Charlotte se sentait particulièrement à fleur de peau. Certainement les conséquences de ses hormones en vrac et de son manque de sommeil, raison pour laquelle elle gardait ses distances parce qu’elle avait peur de craquer à n’importe quel moment. Et ce moment semblait être sur le point d’arriver. Parce qu’elle n’était pas malade, et qu’elle le savait très bien, mais que Dario insistait sur ce fait parce que lui ne savait pas. Et dans le fond elle ne pouvait pas vraiment lui en vouloir, mais tout le monde sait que les émotions n’ont parfois pas forcément de sens, et ce moment-là en faisait partie pour Charly.

« Ça veut rien dire. J’ai certainement juste mal digéré un truc, et ça va pas chercher plus loin. »

D’un côté, elle n’avait pas vraiment tort, parce que c’était un peu ça. Les symptômes de la grossesse, le fait qu’elle n’arrivait plus à digérer certaines choses, et qu’elle n’aimait plus certains aliments. Elle n’était pas malade en tout cas, et il fallait qu’il se sorte ça de la tête.

« Tu l’as déjà mon bonheur, idiot. »

Elle lui sourit, avant qu’ils ne se lèvent pour se rendre à nouveau dans la cuisine. Elle devait lui parler en tout cas, et elle se trouvait prête à le faire. Mais son téléphone avait sonné, l’interrompant parce qu’on avait besoin d’elle au travail, et elle ne pouvait pas refuser. Elle ne pouvait pas prendre le moindre risque de perdre ce boulot. Mais ça ne plaisait pas à Dario, bien sûr.

« Je suis pas malade bordel Dario, je suis enceinte ! Et ils ont besoin de moi parce que ma doublure n’est pas là, et je peux pas me permettre de perdre ce boulot maintenant. Alors pardon mais faut que j’y aille. »

Elle y était peut-être allée un peu fort mais… Elle avait craquée. Et il fallait vraiment qu’elle parte, qu’elle soit fatiguée ou non, n’importe quelle heure payée en plus était bonne à prendre parce que ça leur ferait de l’argent en plus à mettre de côté, s’ils se décidaient à garder ce bébé. Chose dont elle n’était même pas encore tout à fait certaine, elle doit bien l’avouer.