De retour en ville pour quelques temps, je profitais de mon passage pour rendre visite à une de mes amies à la caserne. Si notre échange avait été écourté par l’alarme de la caserne, ça m’avait tout de même fait plaisir de pouvoir la revoir. Considérant la plupart des personnes comme des connaissances, je ne pouvais pas me vanter d’avoir beaucoup d’amis. Le fond d’air froid me poussait à m’arrêter prendre une boisson chaude à emporter au café du coin. J’avais certains rituels quand je revenais en ville, et ce passage en faisait partie. Remerciant  la serveuse avant de reprendre ma route, j’avais la ferme intention de continuer à perpétuer mes traditions. Un peu plus loin, je m’arrêtais pour m’installer au bord d’un muret qui me donnait pleine vue sur l’océan. J’appréciais cette endroit notamment parce qu’il était un peu moins fréquenté que le reste de la baie. Boisson habituelle, endroit habituelle et vue habituelle. Tout y était. Mon regard se perdait dans l’immensité de l’horizon. Je me sentais toute petite ici.  Cela expliquait peut-être que je trouvais cet endroit idéal pour faire le point sur ma vie. C’est ce que je faisais, appréciant la première gorgée de ma boisson, je laissais mes pensées s’enchainer sans leur donné de but précis. A mon grand regret, mon esprit ne pouvait s’empêcher de me ramener au même point : comment j’en étais arrivée là ? Moi la fille forte et sociable. Comment j’avais pu me laisser détruire ainsi. Ces idées ravivaient en moi des souvenirs douloureux, que j’aurais préféré oublier pour toujours. Je déposais mon gobelet à côté de moi, dégoutée par les images qui me revenaient. Si je tentais tant bien que mal de me contenir, je pouvais sentir ma gorge se nouée petit à petit. Je serrais les dents, pour éviter de céder. Je ne voulais pas permettre à de purs inconnus de me voir affaiblie. En fait, je crois que je ne voulais plus me montrer vulnérable du tout. Je fermais les yeux, l’air caressait mon visage et mes joues rougissaient avec la fraîcheur. J’inspirais un grand coup profitant de cette sensation agréable de pouvoir respirer. La plupart du temps, j’avais l’impression d’étouffer, sous le poids des souvenirs et de la culpabilité. Alors remplir mes poumons d’air me rappelait que je pouvais respirer, que j’étais en vie tout simplement. Je reprenais mes esprits, pinçant mes lèvres entre elles comme pour évacuer mes dernières pulsions de tristesse avant d’ouvrir à nouveau les yeux sur l’horizon. Je me forçais à sourire, à une inconnue qui me regardait avec insistance avant de détourner le regard. Malgré le froid, j’avais perdue toute envie de consommé ma boisson. Depuis des mois, j’avais l’impression de ne plus trouver savoir ce que le mot « plaisir » signifiait. J’étais vide, en colère et définitivement seule. Je relevais mes jambes pour venir plaquer mes genoux contre ma poitrine, déposant mon menton sur mes genoux, je continuais à observé les lieux, silencieuse …

La tête posée entre mes bras, je me concentrais sur ma respiration pour chasser la sensation de vide qui m’envahissait. J’ai fini par relevé la tête, laissant me regard se perdre à nouveau dans le vaste horizon qui s’offrait à moi. Mes cheveux bruns se levaient légèrement avec la brise pourtant, j’avais toujours l’impression de manquer d’air, comme si je suffoquais. Perdue dans mes pensées les plus angoissantes, je n’avais presque pas réalisé que quelqu’un m’appelait. Si la voix aurait du me sembler familière, elle était légèrement étouffée par le vent qui soufflait légèrement sur la baie. Malgré tout, je tournais la tête pour comme pour vérifier si ce n’était pas mon esprit qui me jouait des tours. Je balayais les lieux du regard jusqu’à découvrir le visage de Jay. Je ne saurais expliquer ce que je ressentais en l’apercevant après tout ce temps. C’était un mélange d’émotions qui n’avaient aucun rapport les unes avec les autres. Je passais rapidement ma main sous mes yeux pour essuyer le peu d’eau salée qui s’y était glissé avant de me lever pour lui faire face. Alors qu’il n’était plus qu’à quelques mètres de moi, j’aurais voulu faire un pas dans sa direction, mais mes jambes refusaient d’avancer. Comme si j’étais figée sur place. Comme si mon corps refusait d’obéir à mon esprit. Comme si j’avais de la peine à l’idée de faire un pas vers lui.  Je croisais les bras sous ma poitrine en temps normal je l’aurais surement serré dans mes bras, mais j’avais depuis Jonah, j’avais certaine difficulté avec le contact humain. Je supposer que c’était la posture que j’adoptais pour me protégé et refuser le moindre contact. « Salut Jay. », lançais-je un peu hésitante. Je pinçais mes lèvres entre elles laissant le silence s’installer quelques secondes. Ca faisait si longtemps, tellement de temps que je ne savais pas par où commencer. « Ravie de te voir sur pied. », ajoutais-je sans la moindre animosité. C’était sincère, j’étais contente de le voir en un seul morceau. Mon regard évitait le sien un court instant, sans doute par peur qu’il n’y lise toute la tristesse que j’avais en moi. Alors qu’il faisait un pas supplémentaire dans ma direction, je reculais naturellement. Ce n’était pas de sa faute, j’avais juste, beaucoup plus de mal avec la proximité entre les autres et moi. Réalisant que mon geste pouvait être offensant, je me penchais pour attraper la boisson que j’avais laissée sur le petit muret où j’étais installée un peu plus tôt. C’était difficile de décrire ce que cette rencontre éveillait en moi. Bien entendu, c’était un certain soulagement de le voir lui et son visage familier. Mais je n’arrivais pas à masquer que j’avais changé. Je n’étais plus cette fille sociable et enjouée qu’il avait laissée derrière lui, surement sans le vouloir. Je ressentais également un peu de rancune, je savais qu’il n’avait pas eu le choix, qu’il avait été obligé de partir, comme je l’aurais été à sa place, mais je n’arrivais pas à me résoudre totalement à cette idée. Une partie de moi lui en voulait de ne pas avoir été là, de ne pas avoir donné ne serait-ce qu’un signe de vie. Lorsque mon regard croisait le sien, je lui adressais un sourire. Il n’avait rien de naturel et encore moins de sincère, mais c’était tout ce que je pouvais lui offrir pour le moment. Si une partie de moi aurait voulu fondre en larme dans ses bras, une autre bien plus présente s’y refusait. Je ne voulais plus être faible. Je ne voulais plus me montrer vulnérable…

Ma boisson à la main, j’avais à nouveau croisé les bras sous ma poitrine, une manie que j’avais prise quand j’avais l’impression que les personnes autour de moi ne me laissaient pas suffisamment d’espace vitale. Pourtant, mon ami était à quelques mètres. C’était plus fort que moi, les traumatismes m’avaient contrainte à mettre en place des gestes d’autodéfense comme celui-ci. Au fond, ça me rendait malade. Ce genre de comportement me donnait la sensation d’être si frêle et fragile, mais je n’avais plus la force de me défendre d’une autre manière. Malgré mes efforts pour l’éviter, mon regard croisait celui de mon meilleur ami. Je laissais mon regard plonger dans le sien silencieuse jusqu’à ce qu’il ne finisse par rompre ce lourd silence en me présentant ses excuses. Mes lèvres se pinçaient l’une contre l’autre tandis que mon regard quittait le sien pour se diriger vers le bitume. Je pouvais sentir ma gorge se nouée. C’était un véritable déchirement à l’intérieur. J’étais divisé en un tas d’émotion différente. Les yeux toujours rivés sur le sol, je retenais mes larmes pour ne pas passer pour cette fille faible que j’étais devenue. « C’est rien. », balbutiais-je en serrant davantage mes bras autour de moi. Rien ? Etait-ce vraiment le seul mot que j’avais trouvé pour résumée cette descente aux enfers ? Etait-ce lui ou moi que j’essayais de rassurée ? Le regard humide, je fermais les yeux un instant pour ne pas craquer. Lorsque je les ouvrais, je faisais à nouveau face à mon ami. « L’essentiel c’est que tu ailles bien. », admettais-je à contre cœur. Oui, c’était important qu’il se soit remis, quoi qu’il ait pu vivre, j’étais sincèrement heureuse et rassurée de le savoir en seul morceau. Mais cela ne m’empêchait pas de me sentir plus seule encore. Jay était en vie, visiblement en forme mais au fond de moi, je ne pouvais pas totalement partager avec lui ce bonheur parce que moi, je n’étais plus que l’ombre de moi-même. Mon âme s’était éteinte lorsque la détente avait raisonnée dans cet endroit désert. Mon ami me posait finalement une question à laquelle je ne savais pas quelle réponse il souhaitait avoir. Pourtant j’allais lui en donner une. « T’as fait ton job. Voilà ce qu’il s’est passé Jay. », lançais-je en laissant mon regard vagabonder pour ne pas croiser le sien. « J’aurais sûrement fait la même chose. », ajoutais-je en desserrant légèrement mes bras de mon abdomen. Est-ce que j’aurais fais la même chose que Jay ? J’aurais certainement suivi les ordres, je ne savais pas ce qu’il avait vécu là-bas. J’ignorais également dans quel état il était revenu, mais si on parlait boulot alors oui, j’aurais sûrement fait la même chose. Quant au reste, j’avais beau tenir beaucoup à mon ami, je n’étais pas encore prête à lui avouer quoi que ce soit pour plusieurs raisons. Allait-il comprendre mon geste ? Allait-il saisir à quel point j’avais pu souffrir ? Je n’avais pas vu Jay depuis si longtemps, c’était difficile de reprendre les choses où on les avait laissées. Après tout, nous avions tout les deux vécus de nombreuses choses depuis notre dernière discussion et la fille forte et souriante que j’étais n’existait plus à présent. J’imagine que beaucoup de chose avaient du changer pour lui aussi. J’esquissais un semblant de sourire, même si j’étais persuadée de ne pas pouvoir berner mon ami. Je haussais finalement les épaules. « C’est tout ce qui s’est passé Jay. T’as fais ce que t’avais à faire. », concluais-je d’un ton sobre et monotone. J’imagine que je ne pourrais pas me détachée de ce sentiment de rancune pendant quelques temps. Je savais que Jay n’y était pour rien. Mes ressentis étaient si altérées que je ne savais même pas si je le détestais pour ne pas avoir été là quand j’en avais le plus besoin où si j’étais juste consciente qu’il n’avait rien à voir avec mon état actuel. C’était comme si je ne parvenais plus à faire preuve du moindre discernement. Je jouais avec mes pieds, me mettant en appuie tantôt en avant, tantôt en arrière une gestuel qui traduisait surement à quel point j’étais changeante dans mes humeurs, mes émotions, mes opinions. Ma seule certitude c’était que j’étais ravie de savoir Jay sain et sauf…

J’étais honnête, je ne savais pas ce que j’aurais fait dans sa situation alors je ne pouvais pas me permettre de le juger. Son absence m’avait fait du mal, je m’étais sentie seule et abandonnée. Mais je ne pouvais pas me résigner à lui en vouloir, c’était plus compliqué que ceux-là. Mes émotions étaient une immense pelote de fils entremêlé qui m’empêchaient de mettre des mots clairs sur ce que je ressentais face à tout cela. Finalement, ma seule certitude était celle d’être rassurée de le savoir en vie. Si j’essayais d’être la plus convaincante possible, je sentais bien en écoutant Jay qu’il se sentait coupable d’avoir disparu si soudainement. Pourtant, une autre réalité à laquelle j’étais confronté c’est que dans notre métier, on pouvait se faire prendre. C’était le risque dans ce domaine d’activité. Avec du recul, je n’avais aucun motif valable d’éprouver de la rancune envers mon ami. Mais ça, j’étais actuellement incapable de le voir. Si je l’écoutais avec beaucoup d’attention, je n’arrivais pas à faire preuve de compassion, pas comme il l’aurait aimé en tout cas. J’étais devenue une personne insensible à beaucoup de chose et j’avais énormément de difficulté à faire confiance. Nos histoires respectives nous avaient éloignées. Là était toute la réalité de la situation. Nous n’étions plus aussi proches, il se sentait responsable et je me sentais brisée. Le bras toujours plaqués contre moi, je sentais ma gorge se nouée à chacun de ses mots. Il m’arrivait souvent de me demandé si les choses se seraient passé de la même manière s’il avait été là. Peut-être que j’aurais eu le courage d’en parler. Peut-être que je n’aurais pas eu à vivre cela seule. Peut-être même que je n’aurais pas eu à le vivre tout court. « Je crois qu’on changerais tous beaucoup de chose si c’était possible. », rétorquais-je lorsqu’il m’expliquait qu’il aurait du se battre davantage. J’aurais voulu lu dire que moi aussi, que si je pouvais revenir en arrière je me serais battue bien plus que cela au lieu d’agir comme je l’avais fait. Mais je n’y parvenais pas, je ne pouvais pas lui parler de tout ce qui s’était passé. Pas maintenant, pas ici, je n’étais pas prête. Il ajoutait qu’à sa place j’aurais sûrement fait plus d’efforts que lui. « Arrête de croire que j’aurais fait les choses différemment. T’en sais rien et moi non plus. Alors, on peut juste se réjouir que tu ailles mieux et passé à autre chose ? », lançais-je sans la moindre pointe de compassion. J’étais tellement enragée à l’intérieur que je n’arrivais pas à me montrer douce et rassurante avec mon ami. Ca me brisait le cœur de réagir ainsi avec l’une des seules personnes en qui j’avais pu avoir confiance. Pourtant, c’était plus fort que moi. J’étais abîmé, en colère, contre le monde et contre moi-même. Je n’étais plus la Nell qu’il avait laissé derrière lui en partant en mission et je n’étais pas certaine d’être suffisamment forte pour le redevenir un jour. « Désolée., lui adressais-je sur un ton plus calme en me rendant compte que j’avais peut-être été un peu sèche dans mon intonation. C’était des excuses sincères, même si j’avais conscience d’être trop instable pour lui promettre que ce genre de comportement ne se reproduirait pas. Jay ajoutait qu’il reviendrait, si j’avais du mal à saisir le sens de cette phrase, je ressentais le besoin de me montre honnête avec mon ami. « Je suis plus cette fille Jay. », avouais-je en sentant ma gorge se nouée à ces mots. « J’ai changé. », enchainais-je difficilement, « Alors quoi que tu puisses avoir comme souvenir de moi, je ne suis plus cette personne. », terminais-je par dire avant de détourner le regard sentant bien les larmes remplir petit à petit mes yeux. Je sentais d’ailleurs l’une d’elle glisser le long de ma joue. Je m’empressais de passer ma main sur cette dernière pour l’effacer le plus rapidement possible de mon visage. J’étais à bout, j’avais tué un homme, un ami qui m’avait trahi. Je portais tout cela seule depuis un certain temps à présent et ça devenait de plus en plus lourd pour mes petites épaules …

Jay me donnait raison, quelque part ça m’allait très bien. Même s’il me montrait qu’il n’avait pas dit son dernier mot, l’entendre admettre que j’étais dans le vrai avait quelque chose d’apaisant. Il insistait sur le fait que la Nell d’avant était surement là enfoui dans un coin. Un sourire nerveux étirait mes lèvres et mes yeux roulaient vers le ciel. « Oui, c’est vrai. », lâchais-je finalement en haussant les épaules. « Il s’est passé beaucoup de chose. », ajoutais-je marquant une courte pause avant de reprendre. « Des choses horribles. », avouais-je à demi mot tandis que ma gorge se nouait en y repensant. « Mais dans ce métier, les choses horribles, c’est notre quotidien. Et ça fini par laisser des marques. », concluais-je comme si il pouvait avoir oublier cet aspect du métier de militaire. J’essayais surement de mettre en avant le fait que connaître cette donnée, ne prouvais pas qu’il me connaissait encore. J’étais trop fermée pour admettre que c’était le cas, admettre qu’effectivement il avait raison et qu’il me connaissait à la perfection. Alors je préférais me conforter dans mes idées en prétextant que c’était le métier qui voulait cela. Le silence s’installait quelques instants, je le détaillais je n’avais pas vu mon ami depuis si longtemps. Suffisamment longtemps pour avoir cette irrépressible envie de l’observer encore et encore. Peut-être parce que j’avais eu si peur de ne plus jamais le revoir que l’avoir en vie devant moi me donnait envie de ne pas le quitter du regard. Comme s’il allait disparaître au moindre battement de cils. J’avais fini par m’excusez après avoir réalisé que j’avais surement été un peu dure avec lui. Si je me radoucissais légèrement, c’était Jay qui finissait par perdre patience. Nos regards se croisaient se visant l’un dans l’autre comme si nous commencions un duel de regard. Ses mots me déchiraient le cœur. Faire une croix sur mon meilleur ami était loin d’être ce que je désirais, mais une partie de moi se disait que c’était mieux ainsi. Qu’il n’y avait pas de meilleure solution, un dilemme qui mettait mes nerfs à rude épreuve. « Peut-être bien! », lui lançais-je finalement à bout de patience. « On a vécu l’un sans l’autre pendant un an, on devrait avoir l’habitude maintenant. », lâchais-je finalement inconsciente du poids de mes mots. J’étais dure, j’étais sans la moindre pitié et si je ne m’en rendais pas compte, les larmes qui coulaient le long de mes joues auraient du me mettre la puce à l’oreille. Pourtant, je continuais à me laisser guider par ma colère enfouie depuis trop longtemps plutôt que d’écouter la voie de la raison. « Je détruis tout ce que je touche, alors oui, tu ferais mieux de vivre ta vie de ton côté. », affirmais-je sans même prendre le temps de réfléchir aux répercussions. Ce n’était pas ce que je voulais réellement, mais je ne parvenais pas à m’apaiser. L’angoisse, la colère, la rancune toutes ces émotions négatives s’emparaient de moi et me poussait à être cette fille que je n’aurais jamais voulu devenir. Les sourcils froncés, je commençais à me sentir perdre pied. Être mise ainsi face à un passé que j’essayais par tout les moyens d’oublier me rendait nerveuse. Si bien que mon cœur s’accélérait dans ma poitrine. J’avais envie de fuir cette situation,  cette discussion, ces sentiments et mes souvenirs, mais je n’étais plus suffisamment forte pour y parvenir. Alors je restais là, immobile, le visage fermé, le regard fuyant et les joues mouillées devant une foule qui me donnait l’impression d’être sans arrêt au centre de tous les regards …

Jay ne me croyait pas. Est-ce que je pouvais lui en vouloir de me connaître suffisamment bien pour ne pas avaler mes mensonges ? Pas le moins du monde, mais ça ne m’arrangeais pas. Une partie de moi avait envie de tout lui dire, de lui avouer tout ce que j’avais pu vivre après son accident. Mais je n’étais pas prête à le faire. Réalisant qu’une larme glissait sur ma joue, je l’essuyais du revers de la main, en serrant la mâchoire pour ne pas me laisser aller davantage. J’étais dure avec mon ami, alors je ne pouvais pas vraiment le blâmé de réagir ainsi. Sa remarque provoquait un rictus nerveux. Je lui assenais une nouvelle réponse cinglante, évoquant le fait que peut-être nous ne devrions pas reprendre contact. Peut-être qu’on se porterait mieux l’un sans l’autre. Il ajoutait que c’était une volonté de ma part. Dans un autre contexte, j’aurais surement pu comprendre sa réaction, mais pas aujourd’hui. Pas dans mon état d’esprit actuel. « Tu crois que j’ai choisi ? », demandais-je avec un sourire jaune collé aux lèvres. Mon regard déviait de son visage une seconde avant que mes lèvres ne se pincent l’une contre l’autre. « Tu crois que j’ai choisi de vivre un en… », je m’arrêtais net. Couper dans ma phrase par ce bruit bien trop familier. Les pupilles dilatées sous la surprise, mes yeux ont plongés dans ceux de Jay. Immédiatement, j’ai eu ce vieux réflexe de chercher mon partenaire du regard. Preuve que cette complicité n’avait pas totalement disparue. Avant que je n’aie pu réagir, mon meilleur ami s’empressait de passer ses bras autour de moi pour m’entrainer au sol avec lui. Mon cœur frappait à grand coup dans ma poitrine. Si le bruit est le premier déclencheur de mon sentiment d’angoisse. Sentir un contact physique contre moi ne m’aidait pas. C’était stupide, je savais pertinemment que c’était Jay, qu’il ne me ferait rien. Pourtant, le seul poids de son bras autour de moi me donnait l’impression d’étouffer. Comme si je n’allais jamais pouvoir m’en dégager. Pour pouvoir me libérer de ce sentiment oppressant probablement lié aux traumatismes d’un passé chaotique, je me retournais rapidement, repoussant le bras de Jay d’un coup sec. Mon regard effrayé par tout ce qui venait de se passer se posait sur mon ami avant que je ne me redressais pour prendre une grande inspiration. « C’était quoi ça ? », demandais-je la gorge nouée par l’émotion, pour ne pas laisser à Jay le temps d’interpréter mon geste. Le fait d’avoir été en contact avec Jay me rendait davantage angoissée que les coups de feux qui venaient de retentir. Aussi bizarre que cela puisse paraître, je savais que j’étais formée pour réagir et agir à ce genre de situation. Alors les contacts physiques m’étaient devenus insupportables. Comme si mon esprit me persuadait que je n’étais pas capable de lutter. Syndrome post-traumatique vous diront les psychologues, moi je dirais principe d’auto-défense. J’observais l’horizon à la recherche de l’origine de ce bruit qui nous était si familier. Jusqu’à ce que je ne repose mon regard sur mon ami. « Tu n’as rien ? », m’inquiétais-je après coup restant à distance cherchant à tout prix à éviter le moindre contact. Ca aurait dû être mon premier réflexe, pourtant, j’en avais été incapable. L’espace d’une seconde, je m’en voulais de ne pas avoir eu les bons réflexes. Et si j’avais tout perdu ? Si je n’étais plus capable d’assurer sur un champ de bataille ? Si j’étais trop abîmée pour y retourner ? Cette idée effleurait mon esprit avant que la voix de Jay ne me ramène à la réalité …