Pendant si longtemps, tu as joué à l'homme parfait. Être un fils, être un grand-frère et puis un époux. Le petit avantage de cette perte de mémoire c'est qu'enfin tu n'as plus de pression. Ou peut-être que tu ne la ressens simplement plus. Tu n'es plus vraiment toi-même. Tu ne ressens plus grand chose comme émotion, tu es froids et le plus souvent, tu es malheureux. Tu n'as plus aucune envie, tu as beaucoup trop de questions en tête. "J'ai surtout l'impression que je n'avais pas tout à fait le choix." Ce n'est pas faux, tu avais retrouvé dans les papiers la preuve du chantage de ton père. Si tu étais resté à Berkeley s'était pour aider les filles de la famille. Ton père a toujours su comment te tenir dans ses filets. "Évidemment, je ne la blâme pas, je n'ai pas le droit de le faire." C'est exactement ce que tu ressens et la perte de ce bébé te touche. Dire qu'à ce moment précis tu pourrais être papa, mais c'est surtout la culpabilité de l'accident qui te pèse. Au fond de toi, tu sais que tu es fautif, tu sais que tu aurais dû prédire l'accident. Tu aurais dû l'éviter. Ta soeur te parlait de Jay et tu l'écoutais, tu voulais en savoir le plus possible. Elle t'avoue avoir peur de son retour dans l'armée et c'est vrai qu'un an c'est long. "Tu crois qu'il va y retourner ? Tu crois que l'armée va vouloir d'un homme qui est parti aussi longtemps ?" Jay s'est réveillé il y a un an, mais avant cela il a été dans le coma. Toi seul peut comprendre ce que ça fait quand on est plus vraiment soit-même. "Aucune nouvelle, j'ai l'impression qu'elle ne reviendra jamais et en même temps, je lui laisse de l'espace."

Tu n'aurais pas la prétention de dire que tu comprends ce que Jay à vécus. D'ailleurs, tu n'es pas certain d'avoir toutes les informations. Tu ne peux pas te fier à ta mémoire et depuis un certain temps, tu es surtout le centre de toutes les curiosités. Tu n'as pas pris le temps de vraiment t'informer sur les gens ou vite fait. Tu as fait le pleins d'information, mais sur les gens plus essentiels à ta vie et Jay n'en fait pas partie. La seule chose dont tu es ravi, c'est qu'il prenne ses responsabilités. Que ta nièce puisses avoir un père et ta soeur, un allier. Tu as longtemps été cet allié, cette aide, mais désormais, tu n'es plus vraiment très utile. Puis Jay est revenue, elle n'a donc plus vraiment besoin de toi. " Pourquoi pas lui demander directement peut-être qu'il attends que ça que tu lui demandes." Une simple supposition, les femmes attendent toujours aux hommes de lires dans leurs pensées, mais ce n'est pas réciproque. Tu ne peux pas deviner ce que Jay attends, mais peut-être qu'il attends simplement un signe de sa part. Zola finit par te demander si tu as tenté de l'appeler. Tu mets ta main sous ta nuque, tu n'es pas à l'aise. "Au début, j'appelais quelques fois par jour et puis j'ai abandonné. On a finit par me dire que le numéro n'était plus disponible donc je présume qu'elle ne veut pas me voir." Sinon elle t'aurait dit où elle se cache, elle aurait gardé son numéro, elle n'aurait pas coupé les ponts. "Puis elle m'a demandé du temps, mais c'est vrai que ça commence à être long!" Elle te manque, tu ne saurais pas l'expliquer, mais sa présence te manque.

Il y a une certaine fibre paternel chez toi, tu le sens. La présence de ta nièce qui te rend tellement heureux, mais aussi dans ce que te raconte les gens sur cette façon maladroite que tu as, à vouloir sauver ta famille. Tu sais que tu voulais être père, tu te souviens de cette envie, de ce besoin, mais ce n'était pas le cas pour Sasha. Alors, d'une certaine façon tu comprends ton ancien toi et ces sentiments de bonheur qu'il a ressenti en apprenant la grossesse de Rosa. Tu allais devenir père, mais pour cela, tu devais briser des âmes et plus d'une au passage. "Je comprends, mais le seul qui peut te répondre c'est Jay. J'ignore ce qu'il peut ressentir, j'ignore comment il vit cette nouvelle vie, il est le seul à pouvoir te répondre. C'est toujours mieux d'enlever le sparadrap d'un coup sec." Ta soeur s'excuse et tu grimaces, elle n'y peut rien. Les excuses sont là pour te comprendre, pour te rassurer, mais elles n'ont pas l'effet voulu. Tu en as marre de cette situation, mais tu ne peux rien dire ou faire, tu subis en espérant qu'un jour, elle veuille bien tout recommencer. Ou simplement te parler. Si ce n'est pas un mariage qui vire au désastre. "Je l'ai fait tellement souffrir, je ne peux en vouloir qu'à moi. Mais j'espère qu'un jour, elle me reviendra, elle me manque." C'est une étrange sensation, tu sais qu'elle te manque, mais tu ne peux pas le justifier. Tes souvenirs sont ceux qu'elle a bien voulu partager avec toi ou ceux que tu as vu en photo, mais elle te manque. Ta femme te manque, cette complicité dont tu as toujours eu le droit, te manque. Elle était ta meilleure amie, ta femme et maintenant elle n'est plus rien.