Lettre du 12 mars 2013. 11h30

Cher Caleb, mon cher frère,

Voilà bientôt un an que tu es parti pour l'armée, me laissant seule ici, à Melbourne. J'espère que ton voyage s'est bien passé et que tu peux avoir tout le nécessaire. Je t'avoue que ton départ quelque peu précipité m'a obligé d'improviser avec Maman qui continue de t'attendre tous les soirs. Avant, elle était devant l'horloge à vingt et une heures pétantes, patientant sagement que tu arrives de ta virée nocturne avec tes autres amis motards. La direction de gang te prenait un temps monstre, si bien que tu pouvais parfois à peine dîner et nous regarder, dans le blanc des yeux pour écouter nos histoires, à maman et moi. Je me souviens comme je t'admirais, comme j'aimais te voir partir dans la journée ou au crépuscule, retrouver ta vie si rocambolesque. Je pense que Maman s'est souvent rongé les sangs pour toi, espérant que tu ne te retrouves pas dans une affaire dont tu ne pourrais t'extirper, que tu fasses attention à toi. Elle sait aussi comme tu as pris soin de moi, ta petite soeur. J'avais beau avoir quatre ans de moins que toi, tu as constamment veillé sur moi. Quand je m'accrochais contre toi, les cheveux dans le vent pour que tu me montres la moto que tu venais de t'acheter. Quand tu écoutais mes disputes avec mes copines, quand tu nous défendais face aux gens un peu bizarres. Je sais que tu as été mon repère durant toutes ces années, que tu as été le protecteur de mon enfance et le gardien de mon bien être. Papa est bien trop souvent absent, son travail lui prend énormément de temps... Figure toi que cela n'a pas changé depuis qu'on est petits on ne le voit que le week end ! Et encore... Je ne sais pas si tu auras des permissions, si nous pourrons t'écrire et t'envoyer quelques cadeaux pour ton anniversaire. Tu nous manques, ici la maison... Ce n'est pas pareil sans toi. Ton ironie et ton aisance à faire le bricoleur (en plus du déconneur) nous reviennent en souvenir quand ton absence se fait trop lourde. Tu t'es sûrement fait des amis, là bas. Toi qui as toujours eu le don de t'entourer de bonnes personnes et d'être un orateur hors pair! Je t'imagine, debout devant tous les autres pour impressionner avec tes histoires passées, à conter celles qui viennent de se dérouler, à prédire celles de l'avenir. Comme je te perçois si fort et si vaillant face à l'ennemi. Cela doit être difficile, là bas. Quand je pense à ton ancienne petite copine, je me dis qu'il serait bien surprenant que tu retournes avec elle. Remarque, elle a succombé à la chirurgie esthétique et continue de répandre la rumeur selon laquelle tu l'aurais frappé plusieurs fois. Je n'y crois pas une seconde, je pense qu'elle a juste été dépitée quand tu as rompu avec elle. Rassure toi, les autres ne l'écoutent plus vraiment tant elle leur a fait avalé des couleuvres par le passé. N'oublie pas que je suis ta soeur chérie qui protège  ta moto des vautours en ton absence et qui attend de tes nouvelles. Avec Papa et Maman, nous veillons sur toi. Alors, réponds nous s'il te plaît.  
Nala, ta soeur qui t'adore

Lettre du 16 août 2018. 14h30

Wesley, Wes,

Cela fait plusieurs jours que je comptais t'écrire, même depuis ton départ. Je sais pertinemment que je ne pourrais jamais te l'envoyer. Par honte ou par tristesse ? Je t'avoue que je ne sais pas du tout. J'ai retardé ce moment pour poser sur du papier tout ce que je ressens. Je t'avoue que je n'ai toujours pas compris ce qui nous est arrivé, ce qui t'es arrivé. Je te connais depuis que nous sommes petits. Tu as été mon meilleur ami, celui à qui je me confiais dans les coups durs, celui qui m'épaulait dans chaque instant de ma vie. Peut être étions nous trop proches, peut être que le fait de penser souvent à toi a fait naître en moi ces sentiments que je n'ai plus contrôlé dès lors. Dès l'adolescence, je me suis aperçue que j'étais jalouse de celles de qui tu t'avançais trop près, de ceux avec qui tu passais tes soirées. Moi qui aimais être entourée des autres, tu étais la dernière personne à laquelle je pensais le soir en me brossant les dents. La première lorsque je me levais pour aller voir mon reflet dans la glace de la salle de bains. Tu étais celui qui me fallait mais j'ai eu peur. Peur de te perdre, la crainte de ne plus avoir cette amitié qui nous a tant lié, la tristesse de devoir me séparer de toi. J'ai balayé ce ressenti d'un revers de la main, persuadée que je pourrai les taire si je le désirais. Pourtant, ce jour là, tout s'est effondré. Notre discussion, ton départ m'a affecté. Tu finissais par partir, toi aussi. Après mon frère, voilà que je perdais l'autre homme auquel je tenais énormément et je n'ai pas pu le supporter. La colère aidant (ou m'échappant), je t'ai volé un baiser. Je sais que je n'aurais pas dû, j'ai juste pas pu m'en empêcher. Je n'ai pas pu me contenir alors que je savais que je ne pouvais plus te retenir. Ta décision était prise, je devais l'accepter. Moi qui pensais que tu pouvais m'aimer sous tes yeux qui me contemplaient avec attention. Sous ton sourire qui me renvoyait la plus belle des lumières. Je croyais que tu pouvais être amoureux de moi comme moi je l'étais de toi mais je me suis trompée. Je ne sais pas si ton coeur est pris par une autre ou si l'armée est celle à qui tu lies ton destin. Je vois bien que tu ne me donnes plus de nouvelles, que tu m'as rayé de ta vie. Malheureusement, moi je ne t'effacerai jamais de la mienne. Tu es indélébile dans ma mémoire et dans chacun des endroits dans lesquels je m'aventure à Melbourne. Je pense encore souvent à toi. C'est parfois douloureux mais toujours intense. J'ignore si cela s'arrêtera un jour.
Nala

Journal, 6 mai 2020. 19h

Cher Journal,

Je fais rarement appel à toi mais la situation m'en appelle ainsi. Toi qui sais comme je suis une femme forte et indépendante, toi qui sais que j'ai dû apprendre à vivre sans les deux piliers masculins (en dehors de mon père), ici à Melbourne. Je t'avoue que j'ai beaucoup appris depuis que je travaille. Je passe mes journées dans le parc aquatique. Etre dans l'eau au milieu des dauphins me comble de joie, comme je l'avais espéré en posant ma candidature. Il n'y a rien qu'à voir leurs corps ondulés dans l'eau, je me sens apaisée et pleinement concernée par leur bien être, leur confort. Je t'avoue que j'ai mon petit préféré qui est là depuis déjà trois ans. Il s'appelle Flippeur, quel nom original hein ?

Je vis en colocation avec Dana afin de vaincre cette solitude qui me préoccupe depuis le début de cette ère adulte. Moi qui déteste être seule et m'ennuyer, je m'amuse tous les vendredis soirs pour l'apéro et des jeux par milliers. J'ai des jours de repos en décalé, je profite souvent du lundi pour regarder des rediffusions de soap opera ou autres séries comme les télénovelas.

Aujourd'hui pourtant, je suis terriblement triste. Je viens d'apprendre la mort de mon frère, Caleb. Lui que je n'avais jamais revu, lui dont j'ai eu quelques lettres, je suis effondrée de comprendre que je ne le reverrai jamais. Je pourrai lui dire aurevoir prochainement, avec ma mère et mon père. Comme il est dur d'imaginer ne plus le voir passer le perron de la maison familiale et chevaucher sa moto pour partir dans la nuit. Je suis vide sans lui, je dois faire un deuil que je n'arrive pas encore accepter.

Qui plus est, un fantôme a aussi resurgi à Melbourne. Wes, mon Wes. Je n'arrive pas à croire qu'il soit enfin de retour, moi qui ais rêvé tant de fois de l'avoir en face de moi. Pour lui dire comme j'ai souffert de son rejet, de son silence pendant tout ce temps. Pour lui mener la vie dure, pour lui montrer toute ma douleur. Il revient alors que j'ai décidé de m'amuser, de ne plus l'attendre. Après tout, il ne m'aime pas et il a jamais voulu être avec moi. Alors je te le dis, je ne veux pas me priver pour cet amour que je pourrai jamais assouvir.

Je dois te laisser cher Journal, l'occasion pour moi de prendre un peu de repos ces quelques jours et espérer être plus heureuse dans des temps meilleurs.