La matinée avait été éprouvante. Il y avait eu plusieurs entrées de patients avec des pathologies lourdes, qui nécessitaient un suivi constant et exigeant. Quand Eva put se poser dans la pièce réservée au personnel soignant, elle se pencha sur les dossiers en cours, afin de préparer la relève et faire le point avec ceux qui prendront la suite. Officiellement, Eva n'était encore qu'en formation, mais le manque de personnel et le fait que la jeune femme était très dégourdie faisait d'elle une presque-collègue aux yeux de l'équipe de soignants. Ce qui touchait énormément la jeune femme, qui avait l'impression de faire quelque chose d'utile à la société. Comme son père avant elle. Etudiant les dernières analyses d'un patient, l'une des machines se mit à sonner, montrant qu'il y avait une anomalie dans l'une des chambres. C'était la chambre de Mme Croawe, cette jeune femme qui était hospitalisée en psychiatrie depuis quelques jours, après une tentative de suicide. Comme elle avait failli réussir son coup, l'équipe soignante avait été dans l'obligation de la mettre dans le coma artificiel afin qu'elle ne souffre pas. Eva sortit du bureau avec empressement et croisa sa collègue titulaire dont le regard était interrogateur . « Chambre 26. » dit simplement Eva, avant que les deux jeunes femmes ne se dépêchent de rejoindre la chambre.Une fois sur place, elles constatèrent que la patiente s'était réveillée. Et elle semblait parfaitement apte à respirer. Ce qui était très bon signe. Alors qu'elles saluèrent la femme rousse, qui finit par s'éclipser afin de laisser les infirmières faire leur travail, la titulaire avança jusqu'aux machines, sur lesquelles elle appuya afin qu'elles arrêtent de faire du bruit. Cela devait être tellement stressant pour la patiente, qui devait se demander où elle était et pourquoi elle était dans cet état-là. En la voyant tenter de bouger ses mains attachées, Eva posa une main réconfortante sur le bras de la patiente et dit, avec douceur : « Ne bougez pas trop, Madame Croawe. Vous êtes à l'hôpital, tout va bien, mais nous avons besoin que vous restiez calme. » Surtout s'il fallait lui retirer le respirateur, ce que l'infirmière en chef décida de faire. Elle expliqua le geste, informant la patiente qu'elles allaient avoir besoin de sa coopération pour que l'extubation se passe le plus facilement possible. Quand cela fut fait, les deux soignantes vérifièrent les données, montrant que le taux d'oxygénation était bon. Mme Croawe pouvait respirer seule. Eva se rapprocha d'elle et l'informa qu'elle allait prendre un peu de sang pour des analyses complémentaires. Et alors qu'elle remplissait les tubes, elle posa un regard empreint de douceur sur la jeune femme, demandant : « Comment allez-vous ? Avez-vous mal quelque part ? »

Elle avait encore tout à apprendre, Eva. Et chaque jour, chaque service, chaque patient contribuaient à son apprentissage. Néanmoins, la jeune femme savait déjà qu'elle ne ferait pas sa carrière dans un service comme celui-ci. C'était particulièrement difficile pour elle. Sans doute s'impliquait-elle trop. Ses collègues lui avaient dit qu'elle apprendrait à se protéger, au fil du temps. Mais pour l'instant, sa jeunesse, sa fougue, son humanité et son empathie parlaient toujours pour elle. Quand l'alarme avait sonné, pour la chambre 26, Eva s'était empressée de rejoindre sa collègue titulaire pour s'occuper de cette patiente qui avait fait une tentative de suicide, quelques jours plus tôt. Elle s'était enfin réveillée et sans doute le réveil était brutal. Elle n'était plus dans sa chambre d'hôtel, mais entre quatre murs froids de l'hôpital, attachée à un lit, des machines hurlantes à ses côtés. Eva lui informa, d'une voix douce, où elle se trouvait et que les deux infirmières allaient avoir besoin de sa coopération pour l'aider. La patiente se mit à pleurer. Eva s'empressa de poser une main rassurante sur son bras, en lui soufflant : "Nous sommes là pour vous aider, Madame Croawe." Heureusement, Eva avec son sourire, son visage angélique et son regard bienveillant passait plutôt bien auprès des patients. Mais pour cette femme, l'atterrissage était encore difficile. Alors, elle continuait de lui lancer des phrases réconfortantes, le temps de faire les examens nécessaires. Quand il fallut prendre un peu de sang, Eva rencontra un peu d'opposition de la part de la patiente. Elle pourra toujours le faire plus tard... cela ne pressait pas. Recroquevillée dans son lit, la patiente posa son regard vers la fenêtre, où trônait le seul objet personnel apporté pour la patiente. Une photo de famille. Mais Eva ne put comprendre où elle voulait en venir que la patiente se mit en tête de se lever. Et évidemment, elle vacilla, bien vite soutenue par la jeune infirmière. "Je vais vous demander de vous rasseoir, s'il vous plaît. Vous allez devoir attendre encore un peu avant de vous relever." Les effets du traitement étaient encore trop présents pour qu'elle se mette à faire des acrobaties. Eva plissa légèrement des yeux quand elle entendit le seul mot qui sortit de sa bouche. Fly... Elle ne savait pas vraiment ce qu'elle voulait dire, mais pour une personne qui venait de faire une tentative de suicide, cela ne paraissait pas anodin aux yeux d'Eva. Elle l'aida à s'asseoir sur le lit, puis redemanda d'une voix douce : "Je peux faire quelque chose pour vous ?" Elle savait qu'elle n'avait pas encore toutes ces facultés pour parler. Mais un simple mot et Eva pouvait lui être utile...

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