Un dernier coup d'oeil dans le miroir, elle hésite. Est-ce que c'est vraiment une bonne idée cette soirée ? Après tout, elle ne sait rien de la personne qui va l'accompagner ce soir. Elle sourit en y pensant, elle se trouve ridicule cela lui donne une pointe de stress, c'est pourtant ce qui avais fait qu'elle avait mis son nom sur la liste du maire. Ce soir, elle n'est pas elle. Ce soir, elle n'a pas sa vie. Ce soir, elle est celle qu'elle a envie d'être et elle ignore encore si elle va rentrer dans le rôle d'un personnage ou si elle va simplement jouer carte sur table avec son caractère un peu vif, un peu dérangeant parfois. On va dire que la demoiselle n'a rien d'une demoiselle en détresse et qu'elle le sait. Elle espère simplement que cette soirée ne sera pas avec une personne qui se prend trop au sérieux, une personne qui pourrait potentiellement voir en elle la femme de sa vie. Parce qu'à l'amour, elle n'y pense pas, elle vous dira même qu'elle n'a pas le temps. C'est plus facile que de dire que ça lui fait peur. Elle arrive à la soirée et elle constate avec plaisir qu'elle ne fait pas tâche dans le paysage malgré une robe qu'elle a choisit plutôt courte, noir. Elle enfile son masque doré et remet en place ses cheveux blonds qu'elle a attachée avec un headband pour que son partenaire ne puisse pas deviner la longueur. Le couleur étant déjà un indice mais elle n'a pas voulu mentir sur ce point. Allez savoir pourquoi, une idée de femme comme dirait certains. Elle avance dans le foule à la recherche d'un visage semblable, sans trop savoir si elle cherche un costume ou une robe. Le mystère reste entier mais elle compte bien le résoudre.

Taille et gabarit standard, aucun signe distinctif en apparence ni notoriété du personnage, c'est le mélange parfait pour se faufiler incognito dans la masse dense d'individus masqués venus fêter le 14 février en plein air dans ce sympathique décor aménagé. A moins de se retrouver en face de son conseiller d'agence bancaire, son identité devrait être préservée. Pour s'en assurer davantage, l'habit de circonstance mais trop souvent délaissé a été sorti de la penderie. Des chaussures mat cirées jusqu'à l'échancrure de la veste qui laisse apparaître une chemise ornée en son haut par le choix d'un noeud papillon à la teinte se mariant avec la dorure du masque, le costume complet revête la particularité de l'événement. S'évader de son quotidien, sortir ainsi de sa zone de confort. Qui sait si cela peut lui permettre de s'améliorer dans ses relations, et dans ce cas précis avec une personne en particulier dont il ignore pour l'instant l'identité. L'évidence n'est pas flagrante puisqu'ils se ratent de quelques mètres quand lui s'en éloigne alors qu'il passe derrière elle et continue d'avancer. Difficile de dos de distinguer le seul élément censé les rapprocher l'un de l'autre, ce qui finit par survenir une éternité de minutes plus tard. La représentation exacte de la partie supérieure du masque lui échappe, au contraire enfin de la fameuse partenaire d'événement. Souriant pour deux fois rien, sa curiosité l'encourage à tenter de démarrer des yeux et de la bouche de son alter ego pour imaginer le portrait de ce minois caché. Mais la puissance du mystère remporte la lutte, et le plie à réduire au plus confortable l'écart spatial d'avec cette inconnue. Qu'elle soutienne et conforte sa pensée sur leur accessoire à l'identique, au lieu de fuir à son approche, est bon signe. Il lui tend alors la main, paume vers le haut, et invite celle qui semble être partie pour l'accompagner lors des prochaines minutes. La musique diffusée dans tout le parc est propice à ce genre de sollicitation, alors la parole n'est pas une nécessité pour commencer à profiter de ce qui a été gracieusement mis en place pour le duo qu'ils formeraient si elle daigne lui confier sa main contre accord.

Son coeur balance, elle aime ce mystère autant qu'il l'a perturbe. Elle aime l'idée de n'être personne, l'idée de n'être qu'un fantôme dans cette vaste foule, une personne de passage qu'on oubliera aussi vite qu'on l'a croisé. Mais elle n'aime pas l'idée que l'autre soit la même, l'idée que l'autre soit un mystère. Cela, ça l'a perturbe, parce qu'il pourrait être quelqu'un qui lui veut du mal ? Quelqu'un qui est là pour les mauvaises intentions. Elle se perds dans ses pensées alors que ses yeux se perdent dans la foule. Un masque comme indice, c'est peu quand tout le monde en porte même si elle le connait par coeur puisqu'elle porte le même. Puisqu'elle l'a regardé durant plusieurs minutes aujourd'hui en ce demandant si c'était une bonne ou une mauvaise idée. Elle sort de ses pensées quand une main s'offre à elle, elle regarde celui qui semble y être relié à cette main et y voit une silhouette qui ne laisse aucun doute. Grand, élégant, en complet, un homme évidemment. Elle sourit derrière son masque et il le voit sans deviner que ce sourire angélique cache un tout autre personnage. Il ne parle pas et elle trouve cette approche intéressante, elle se laisse prendre au jeu et pose sa main dans la sienne pour se laisser guider vers l'espace prévu pour la danse. Lentement, calmement, elle suit le mouvement sans un mot, sans question. En ce demandant si ce silence faisait partie du jeu ou si c'était un moyen pour l'homme en face d'elle de cacher sa timidité. Les secondes défilaient, son envie de parler grandissait, le silence ce n'était pas son truc à notre demoiselle. Elle, elle parle, parfois trop, souvent pour rien alors après quelques instants, elle ose, elle lève le regard vers l'inconnu. "Un verre vous tente ?"

La patience n'est pas un problème. Le temps qu'elle se décide n'est pas si long, mais semble se décupler par rapport à la réalité qui s'est envolée de ce lieu. C'est un bal, il y a une partie créative à jouer à cette occasion qui offre la possibilité de sortir des sentiers battus et de s'adonner à quelque chose d'innovant. La promptitude est peut-être ce qui lui recherche à démontrer ; prendre une décision sur l'instant, ne pas se demander si et pourquoi ou même comment. Les heures qui ont précédé sa venue, il s'est longuement préparé à éviter de s'infliger ce genre de questions pour ne penser qu'à l'essentiel : vivre. Une main qui choisit de venir se superposer sur la sienne, en guise d'approbation, ne ressemble pas à beaucoup de moments que le souvenir de ses années passées retracent dans sa tête. La légèreté est appréciable ; ainsi se laissent-ils tous deux emporter un peu plus à gauche ou à droite, par là-bas ou par ici. Qui guide l'autre ? Une interrogation qui n'a pas besoin de réponse. Qui profite ? Elle, un peu. Son sourire n'est pas pareil qu'au croisement de leur attente plusieurs minutes auparavant, mais elle ne semble cependant pas l'avoir perdu. Tant mieux. Qui brise le silence sous la musique ? Elle, définitivement. Boire ? Aucune réflexion, zéro remaniement des méninges. "Oui, volontiers. A un moment j'aurai soif." Il se tourne pour deviner où se diriger, lâchant la main qu'il avait accueillie par-delà la sienne pour en rattraper un doigt puis un second et les mener au kiosque à rafraîchissements. Ils ne sont pas les seuls à vouloir s'hydrater, debouts derrière un autre duo qui parait tuer le temps avec plus de crispation que nos deux personnages principaux. Pas de préjugé, pas d'incertitude, la situation doit rester positive et rien ne la gâchera au point d'en arriver jusqu'au malaise palpable entre ces deux êtres gênés de s'être retrouvés avec ce partenaire précis. La femme n'arrête pas de se demander ce qu'elle a fait de mal pour mériter tel chevalier à son bras. Chance et malchance, lui s'en sort bien, raisonne-t-il. Il élude sa propre interrogation et préfère s'entretenir avec sa compagnie secrète plutôt que seul face à lui-même : "Avez-vous déjà participé à ce genre de .. de festivité particulière ?" Le sourire quitte très difficilement la partie de son visage sous le masque, ensemble qu'il abaisse pour pouvoir être entendu sans avoir à hausser la voix.

J'ignore si on pourrait la définir comme étant une personne qui suit le mouvement. C'est une excellente question, je crois surtout que la demoiselle suit son instinct peu importe ce qui lui dit. Elle est à ce bal sans trop savoir pourquoi et elle accepte cette main tendue pour les mêmes raisons. Sa méfiance lui laissant tout de même quelques instants d'hésitation. Elle décide de l'ignorer, de jouer avec le moment et de se laisser guider par une curiosité qui pourrait la définir. Une curiosité qui ce soir prend la forme d'un jeu qui rend cela encore plus intéressant pour elle. La blonde se laisse prendre au jeu et danse avec un inconnu. Mais la blonde est bavarde, la musique est douce mais elle sait qu'un silence peut rapidement devenir pesant alors elle le brise avec une simple phrase. Elle ouvre le bal des mots entre eux sans trop savoir ce qu'ils vont bien pouvoir se dire. Il allait devoir choisir les bons mots pour ne pas trop en dire, mais aussi pour dire quelque chose et ne pas rendre la soirée ennuyante. Elle était curieuse de découvrir sa voix, il parait qu'une voix en dit beaucoup sur une personne. Il accepte et en un battement de cils, nous les retrouvons près du kiosque à boisson où notre demoiselle s'amuse à regarder les autres couples. Certains semblent heureux, certains beaucoup moins et ce sont eux qui l'amusent surtout. Mais passons, ce soir, elle n'est pas seule, elle ne peut pas faire qu'observer et à la question du jeune inconnu, elle laisse échapper une réponse qu'elle accompagne d'un rire. "Dis comme cela, ça ferais presque érotique" Son humour était décalé, il était franc et soyons réaliste, il passait avec peu de monde, c'était peut-être pour cela qu'elle avait assez rapidement repris son sérieux, offrant une véritable réponse au jeune homme. "Non, je ne suis pas une grande fan des mystères en temps normal et vous ? C'est une première ou vous avez l'habitude d'être un héros masqué ?" Bon d'accord, elle ne sait pas vraiment être sérieuse mais que voulez-vous, le but de la soirée c'est de pouvoir être soi et ça, elle l'a compris.