(un) La famille a toujours été un sujet délicat, un sujet que tu n'aimais pas aborder et pour cause, entre la maladie de ton frère et la folie de ton père. Tu préfères garder ta famille pour toi, pas par honte juste pour éviter l'étiquette. Celle de la pauvre petite fille qui n'a pas eu de chance, celle de la fille d'un fou, ou encore celle de la folle tout simplement. Ses étiquettes dont tu n'arrivais pas à te détacher quand tu vivais encore à Berkeley. Ses étiquettes qui te hantent encore parfois. (deux) D'après les statistiques, un lycéen sur quatre est victime de harcèlement. Félicitation Alix, tes grosses lunettes et toi avez gagné. Un harcèlement tout en douceur, quelques moqueries dans les couloirs, quelques rires sur ton passage. Rien de violent quand on y regarde de loin, assez pour te faire haïr ta vie. Parce que tu es timide, Alix, tu es douce et fragile. Et eux, ils ont brisés le peu de confiance que tu aurais pu t'accorder. (trois) Le téléphone sonne, ton coeur se brise. L'ange de ta vie est partie plus vite que tu ne l'aurais pensé. La vieillesse ou la maladie, peu importe qui est coupable, tu viens de perdre une partie de toi que tu ne retrouveras jamais. Une partie de toi qui réouvre d'autres blessures. Un autre abandon, celui de ton père. Cette fois, tu veux en savoir plus sur lui, tu poses des questions plus précises, les réponses sont plus douloureuses. Tu comprends qu'il était surtout fou d'amour pour votre famille et tu en viens à te demander si il était aussi fou que la ville avait voulu le faire croire. (quatre) Majeur de votre promotion, est-ce une surprise, non ? Tu as toujours eu des notes excellentes. Et on peut dire ce qu'on veut mais tes rêves pour fuir la ville t'ont aidé à te conduire au sommet. C'était une motivation sans faille, un besoin de te plonger dans les livres pour oublier le monde réel. Et quand on voit ta mère qui collectionne les heures supplémentaire et le cout des années universitaire, une bourse était la bienvenue. Tu sais qu'elle ferait tout pour toi, pour vous trois et tu ne voulais pas d'un tel sacrifice. (cinq) Les livres ont toujours eu une place bien particulière dans ta vie. Tu as toujours adoré lire, que ce soit des histoires vraies ou bien de la fiction, même des livres documentaires qui nourrissaient ta curiosité. Et tu as toujours su qu'un jour, tu travaillerais dans ce domaine. Même si ton véritable rêve était bien plus grand, bien plus inaccessible : écrire un livre. Ton livre. Te créer un univers et pouvoir y faire évoluer tes personnages. Tu as écrit le premier tome alors que tu étais encore au lycée et tu n'as cessés de le modifier et de l'arranger jusqu'à ce que la chance te sourit enfin. (six) L'université est un autre monde, c'est celui où tu vas enfin trouver ta place. Washington, c'est une grande ville, une ville où tout le monde se fiche de celle que tu étais au lycée. C'est la ville qui t'a vu naitre. Le programme de littérature te colle à la peau et tu décides de trouver un petit travail dans ce domaine. C'est ainsi que tu rejoins la maison d'édition au départ. Tu as travaillé en tant que l'assistante de l'assistante et petit à petit, tu as gravi les échelons. (sept) Et il y a trois ans, tu as tenté ta chance, tu mis ton bouquin sur la liste des livres sélectionnés par un agent. Un agent qui allait devenir le tien mais qui l'ignore, sa chef à adorer ce livre et l'agent n'a pas osé dire qu'il ne l'avait pas retenu, la supercherie s'est mise en marche. Au départ, vous ne parliez que par mail, tu prétextais un manque de temps et finalement, tu as fini par lui dire la vérité. Malheureusement la vie t'a volée celle qui t'avait donné ta chance et ta relation avec ton nouvel agent est bien différente. Il te met beaucoup de pression pour un second roman que tu tardes à écrire même si ce nouveau deuil semble le tenir éloigner. (huit) Tu te souviens parfaitement de cette promesse, c'était il y a quelques années, tu étais en ville par hasard et tu passais la soirée chez ta meilleure amie et son mari. Vous avez bu, vous aviez ri et elle t'avait demandé si en cas de drame, tu serais prête à t'occuper de ses enfants. Naturellement, tu avais dit "oui", parce que tu savais que c'était important pour elle, parce que tu adores ses gamins mais tu n'aurais jamais imaginé quitté le rôle de la "tata cool" un jour. Pourtant le destin en a décidé autrement. (neuf) C'est ton agent qui t'a trouvé ce poste au lycée, un poste temporaire, il a bien appuyer sur ce dernier mot. Cinq mois, c'est le délai qu'il te donne pour rentrer à Washington. Tu as accepté mais en réalité, tu ne sais pas quoi faire. Si sur le papier, c'est facile de partir, tu te demandes si les enfants sont prêt à quitter la ville. (dix) Tu donnes des cours depuis maintenant une semaine, et tu évites le proviseur depuis autant de temps. Oui, tu aurais dû te renseigner avant d'accepter ce poste parce que si tu avais su que c'était lui, tu n'aurais jamais dit "oui".