Le frigo vide, je réalisais qu’il était plus que temps d’allez faire quelques achats. Si mon alimentation était plus que discutable depuis quelques temps, je n’avais pas non plus dans l’intention de me laisser dépérir. J’arpentais les rues du centre ville avec pour objectif ma superette habituelle. Je n’avais pas le cœur à me perdre dans un grand centre commercial au milieu de plus d’une centaine de personne. Je trouvais que le centre ville était déjà suffisamment bondé pour moi. Même si je n’avais pas plus envie d’être ici que cela, je laissais mon regard vagabonder au gré des vitrines. Ca donnait à cette escapade un côté plus agréable, tout du moins jusqu’à ce que je finisse par croiser son regard. Mes yeux plongeaient dans les siens, je l’aurais reconnu entre mille. Il avait tout vu le jour où j’avais mis un second pied dans le chemin de ma descente aux enfers. Je n’avais pas l’intention de sociabiliser aujourd’hui, alors sociabiliser avec la seule personne qui m’avait vu abattre un homme de sang froid, c’était encore moins dans mes projets. Je détournais alors le regard en poursuivant ma route. Mais plus j’avançais et plus je ressentais le besoin de me justifier. La culpabilité était présente chaque jour, chaque heure et pesais une tonne. « Fais chier. », soufflais-je avant de m’arrêter net pour faire demi-tour. Je ne pouvais décemment pas continuer ma route après ces regards croisés. Il savait ce que j’avais fais et j’ignorais qui il était. Inutile d’ajouter les insomnies à la longue listes de mes démons du moment. Je finissais donc par entrée dans l’établissement. Si cette personne n’était plus devant la vitrine, à la vue de tous il n’en était pas loin pour autant. Dos à moi, j’imagine qu’il devait être entrain de chercher les prochains éléments décoratifs qu’il mettrait en devanture. Je pinçais mes lèvres entre elles. Je ne savais pas par où commencer. J’ignorais comment m’y prendre. A vrai dire, l’idée qu’il est pu oublier mon visage ne m’avait même pas effleuré l’esprit. Finalement, j’abandonnais tout espoir de pouvoir donné un aspect normal à la conversation que je m’apprêtais à avoir avec lui. « Je l’ai pas fait de guetté de cœur. », lançais-je finalement sans le moindre tact. Je ne pouvais pas y mettre des formes, je m’apprêtais à parler du meurtre que j’avais commis, peut-être même à acheté le silence d’un homme que je ne connaissais pas. Alors les formules de politesse étaient probablement le cadet de mes soucis.  « Je dois admettre que j’espérais ne jamais vous revoir, mais j’imagine que le destin à décidé de me torturer pour le restant de mes jour alors .. »,  avouais-je finalement désespérée de ne pas réussir à me détacher de ce passé qui pesait sur mes épaules à chaque instant. Cette conversation m’obligeait à me souvenir volontairement de ce qui s’était produit ce jour-là. Sans avoir oublié, j’essayais d’éviter de laisser mon esprit me faire revivre ces images insoutenables à chaque seconde …

Dire que je n’avais pas eu le choix aurait été un mensonge. Mais dire que j’avais ressentie l’envie d’ôter la vie à celui que j’avais longtemps considéré comme un ami en serait surement un bien plus gros encore. Cette rencontre je l’avais redoutée, j’en avais fais des cauchemars pour être totalement honnête. En parler rendait tout cela encore plus réel, j’imagine que c’est pour cette raison que j’avais espérer ne jamais revoir cet inconnu. Mais le destin en avait visiblement décidé autrement. J’étais sincère, chacun de mes mots ne reflétait que la vérité. Si je manquais de tact, mes intentions n’avaient rien de mauvaises. A vrai dire, je crois que je pourrais même comprendre que cet homme finisse par dire ce qu’il avait vu. J’avais moi-même du mal à vivre avec ce poids sur ma conscience. Quand bien même la charge entre le meurtrier et le témoin ne devait pas être la même, je supposais que le silence avait un prix pour tout le monde. Sa remarque m’intriguait. L’inconnu me précisait que mes actes ne le regardaient pas. S’il n’avait pas tort, j’avais un peu de mal à croire que dans notre société actuelle des gens pouvaient réfléchir ainsi. Mon regard se relevait vers son visage tandis que l’un de mes sourcils s’arquait. J’allais reprendre la parole mais il avait été plus rapide que moi, ajoutant qu’il avait juré de ne rien dire. Une nouvelle fois, son attitude venait piquer ma curiosité. J’avais perdue la confiance que je pouvais placer en les autres depuis bien longtemps alors imaginé qu’il puisse ne jamais en parler me rendait un peu nerveuse. Après tout, je ne connaissais absolument pas cette personne, ce qui ne rendait pas l’idée qu’il puisse me couvrir plus réaliste. « Bien. Alors espérons que vous soyez un homme de parole. », lançais-je finalement en plantant mon regard dans le sien, ne trouvant rien d’autre à redire. Je n’avais aucune envie de poursuivre cette conversation, c’est pourquoi je tournais les talons sur cette remarque qui sonnait peut-être un peu comme une menace. J’avais fini par tourner les talons pour prendre le chemin de la sortie, mais ma conscience refusait d’en rester là. Je ne pouvais pas lui faire confiance, je ne connaissais ce type ni d’Eve, ni d’Adam. C’était impossible pour moi de juste le croire et passer à autre chose. Je soupirais avant de lever les yeux au ciel arrivant à me demander pendant combien de temps j’allais encore me torturer comme ça. Je me tournais à nouveau dans sa direction avant de le regarder en haussant les épaules. « Pourquoi je vous ferais confiance ? », demandais-je en plantant mon regard dans le sien. « Pourquoi vous feriez une telle chose ? », ajoutais-je sans attendre sa réponse. Mon regard trahissait parfaitement à quel point je ne comprenais pas la situation. J’étais loin d’être angoissée par la situation, parce que j’étais bien trop épuisée émotionnellement pour l’être. Mais le peu de lucidité qu’il me restait me poussait à ne pas croire naïvement cet inconnu ..

Mes bras se croisaient sous ma poitrine et mon regard trahissait mon manque de confiance. « C’est vrai, je ne l’ai pas. », commençais-je avant de marquer une courte pause. Il avait raison, je n’avais pas vraiment d’autre choix que de lui faire confiance. « C’est pas pour autant que ça m’enchante. », ajoutais-je finalement avec franchise, pour appuyer mon regarde méfiant. J’étais plus ou moins contrainte de croire en son honnêteté mais ça ne m’empêchais pas de me poser un million de question. Pourquoi un pur inconnu voudrait couvrir mes arrières ? Je le laissais continuer, l’écoutant avec la plus grande des attentions dans l’espoir de déceler le moindre indice qui me permettrait de savoir si je pouvais, ou non, baisser ma garde. Ses mots laissaient entendre qu’il avait lui aussi pu assister à la misère de ce monde. En même temps, j’avais un peu de mal à saisir ses propos. Comment pouvait-il avoir vu de ses yeux certaines choses et être capable de laisser tout cela dernière lui. J’ignorais de quelle genre de chose il parlait, mais il semblait si résigner à vouloir oublier que je ne pouvais pas croire que ces expériences n’est laissé aucune traces. Ma gorge se serrait à sa remarque. Est-ce qu’il y avait vraiment de bonnes raisons pour abattre un homme de sang froid ? Si je ne m’étais jamais posé de question lorsque j’appuyais sur la détente dans le cadre de mon emploi, j’y réfléchissais de plus en plus depuis que j’avais tiré sur Jonah. Je resserrais mes bras sous ma poitrine lorsqu’un frisson me traversait le corps en me remémorant cette scène affreuse de mon passé. « Désespéré.. », Répétais-je tandis que mon visage se fermait de plus en plus. C’était le bon, la bonne interprétation. Je n’avais trouvé aucun autre moyen de sortir de l’enfer dans lequel il m’avait enfermée. J’aurais peut-être dû chercher une autre méthode, mais n’aurait-il pas recommencé tôt ou tard avec quelqu’un d’autre ? Etais-je réellement la première ? Toutes ces questions que restaient sans réponse me rongeait depuis si longtemps que j’avais arrêté de compter. « C’est vrai. », finaissais-je par lancer pour donner suite à la conversation. « C’était un geste désespéré. Une issue dans une route sans retour. », avouais-je avec franchise. C’était la première fois que j’en parlais aussi ouvertement à quelqu’un. « Ca ne rends pas mon acte plus humain. », ajoutais-je la gorge toujours aussi nouée. « Comment fait-on pour laisser ce genre de chose derrière soi ? », demandais-je en plantant mon regard bleuté dans le sien, trahissant l’état d’esprit dans lequel me mettait toute cette histoire. Après tout, il avait tout vu, il était probablement le seul à avoir en sa possession une bribe du puzzle qui constituait de tout ce que j’avais pu vivre, à quoi bon lui mentir davantage. Il venait de me dire qu’il avait laissé tout ce qu’il avait vu derrière lui, comment avait-il pu y arriver. J’imagine sans difficulté que les choses sont différentes quand on n’est pas impliqué directement, mais j’ignorais ce qu’il avait vécu. J’avais peut-être des choses à apprendre de cette rencontre que je n’espérais ne jamais refaire …